«Le Gripen est l’avion avec le meilleur rapport qualité/prix»
Fabio Antognini, chef de projet pour le renouvellement de la flotte aux Forces aériennes
Entre 2012 et 2013, le colonel Fabio Antognini, chef de projet pour le renouvellement de la flotte aux Forces aériennes, a piloté à plusieurs reprises le chasseur controversé. En tout une quarantaine d’heures de vol. Pour lui, pas de doutes possibles: si le Gripen n’est pas le meilleur avion du monde, il est en tout cas celui dont la Suisse a besoin pour garantir ses missions de sécurité aérienne. Interview.
– GHI: Colonel Fabio Antognini, si vous deviez partir au combat, choisiriez-vous le Gripen?
– Fabio Antognini: Comme militaire, j’utilise le matériel mis à disposition par l’armée. Ce n’est pas aux pilotes de faire ce choix. Mais le Gripen est un avion performant et moderne.
– Pourtant, il a été évalué comme le moins performant des appareils en compétition par une commission du Conseil national?
– Les trois modèles évalués en 2008 (ndlr: le Gripen suédois, le Rafale français et l’Eurofighter d’un consortium européen) remplissaient tous les conditions du cahier des charges des forces aériennes suisses. La Suisse n’a pas besoin du meilleur chasseur mais d’un avion efficace qui permet à l’armée de remplir son mandat politique. Le Gripen est l’avion avec le meilleur rapport qualité/prix.
– Quels sont les principaux atouts du Gripen en vol?
– Le Gripen appartient à une génération d’avions qui a révolutionné le pilotage des chasseurs. L’avion se manœuvre de manière très directe et fluide à l’engagement. Si je le compare aux F/A 18 en utilisant une métaphore, je dirais que c’est un peu comme skier avec des carvings au lieu des anciens modèles de skis. Cela fait une énorme différence.
– Les pilotes suisses sont-ils formés pour en prendre les commandes rapidement?
– Bien entendu les pilotes devront suivre une formation spécifique. Mais pour un pilote expérimenté de F/A 18, comme pour un jeune pilote qui a terminé sa formation sur le PC-21, cela ne posera aucun problème.
– On a dit le Gripen en retard sur le plan technologique. Où se situe-t-il exactement?
– L’armement du Gripen correspond à celui utilisé par les autres chasseurs européens. Au niveau du système de défense électronique embarqué et du radar, il est à la pointe de la technologie. Il en va de même du système de communication qui est parmi les plus performants. L’avantage, c’est aussi que nous allons bénéficier des derniers modèles développés par le constructeur suédois Saab avec des technologies plus récentes et cela pour un prix absolument compétitif.
– Présenté comme polyvalent, cet appareil est-il réellement capable de mener à la fois les missions de défense aérienne et de chasseur?
– Oui. Grâce à sa modularité, il peut mener plusieurs missions à la fois. Autrement dit, contrôler et défendre l’espace aérien lors du WEF à Davos par exemple. Mais aussi effectuer des reconnaissances aériennes en cas de catastrophe naturelle. Il peut aussi soutenir les troupes au sol. Ce que ne peuvent pas faire nos 54 chasseurs F-5 actuels.
– Pour assurer ces missions de sécurité aérienne, l’Autriche compte moins de vingt avions. Dès lors, pourquoi faut-il nécessairement acheter 22 Gripen?
– Il faut avoir une vision de l’armée à long terme en accord avec la mission que le parlement fédéral lui a donné. Nos Tiger F-5 seront mis hors service en 2016. Les F/A 18 le seront en 2030. Si nous n’achetons pas le Gripen, nous devrons surexploiter les F/A 18 et nous nous retrouverons déjà en 2025 sans avions opérationnels.
– Avec quelles conséquences?
– Sans forces aériennes crédibles, l’armée n’est plus en mesure d’assurer sa mission principale: garantir la sécurité au sol comme dans les airs. Je vole depuis près de 30 ans et je suis convaincu que l’achat du Gripen est un bon choix pour la Suisse.