Journée historique pour les pompiers

Le Service d’incendie et de secours réforme son système d’alarme et ouvre ses trois casernes jour et nuit. Le GHI a vécu en immersion et en exclusivité la grande «bascule» du lundi 3 février. Au-delà des changements opérationnels, reste le cœur du métier: protéger les victimes. Reportage.

  • Malgré les changements opérationnels, les interventions se poursuivent. Ici, des pompiers vérifient les bords de l’Arve en crue lundi 3 février. STéPHANE CHOLLET

    Malgré les changements opérationnels, les interventions se poursuivent. Ici, des pompiers vérifient les bords de l’Arve en crue lundi 3 février. STéPHANE CHOLLET

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Le jour J. Celui de «la bascule». Les pompiers s’y préparent depuis des semaines voire des années. En ce lundi 3 février, ils entrent dans une nouvelle ère. Réorganisation de l’organigramme, ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre des casernes 2 (Asters) et 3 (Frontenex) habituellement fermées de nuit, suppression de la pause de midi hors murs et nouveau système d’aide à l’engagement via smartphone (lire encadré). Autant de changements pour un service dont l’organisation remonte à 1972. Une révolution? «Non, corrige le lieutenant Nicolas Millot, officier de la communication. Une indispensable évolution!» Le but reste le même: sauver des vies, porter secours. Tout est fait pour gagner du temps. Chaque seconde est précieuse, répète sans cesse le commandant du Service d’incendie et de secours (SIS), Nicolas Schumacher.

Caserne 1, celle du Vieux-Billard, 6h30: Le réveil sonne. Tout le monde se retrouve dans le garage. Aux côtés des habits de feu, suspendus sur les portemanteaux et à deux pas des véhicules rutilants, la section D vit ses derniers instants. A 7h, elle sera dissoute, ses membres rejoignant les nouvelles compagnies d’intervention. «C’est une page qui se tourne pour nous tous», lance son ancien chef, l’adjudant Jérôme Barbey. Les embrassades sont chaleureuses. Les au revoir émus. Juste à côté, une nouvelle compagnie prend sa garde. La première sous cette nouvelle ère. «C’est une journée historique aujourd’hui. Mais moi, ce qui m’intéresse, c’est surtout la pratique», lance le colonel Schumacher.

Caserne 2, Asters, 8h40: L’alarme sonne. Un des derniers gongs, bientôt remplacé par une notification sur les smartphones. Les mots-clés «incendie» et «magasin» s’affichent sur les écrans géants dispersés dans la caserne. Ceci n’est pas un test. Sirène bleue enclenchée, les véhicules d’intervention s’élancent. «Où est-ce qu’il y a le feu?» interrogent les badauds, en voyant arriver les hommes en uniforme. Une odeur de fumée s’élève de la conduite d’aération. «Dans le parking, un néon et son support plastique ont grillé», précise le major Frédéric Jaques, lui aussi sur place. Rien de grave. Il est temps de rentrer.

Bord de l’Arve, 9h10: Bascule ou pas, le SIS veille au grain. Vue la douceur des températures, le débit de l’Arve est haut. Il atteint 470 m3 par seconde. Il s’agit d’inspecter les bords de la rivière, à la recherche d’éventuels SDF en danger. «On fait la reconnaissance de tous les ponts depuis la passerelle des TPG jusqu’au pont de Sierne», précise le sergent-chef Yann Weber, vêtu d’une combinaison néoprène.

Caserne 1, 12h: Le point de situation est encourageant. Les informaticiens confiants. Le capitaine Régis Pyhton, chef du bureau d’études et prospective, demeure aux aguets. De son côté, le capitaine David Mautone, chef du bureau des opérations et planifications, vérifie que la vaste réorganisation des horaires et des rythmes se déroule sans accroc, même si tout est en place depuis longtemps. «En 2015, on a obtenu 25 équivalents temps plein supplémentaires, explique-t-il. En 2017, on a cherché comment améliorer le SIS. On a décidé de procéder à un refresh complet.» Un travail de fond mené avec les collaborateurs. «On a souvent mis beaucoup de sparadrap pour réparer le tuyau, insiste le capitaine Mautone. Mais, aujourd’hui: on change le tuyau.»

Caserne 2, 14h50: Dans le réfectoire des Asters, penchés sur leur smartphone, les pompiers vérifient qu’ils reçoivent bien les alertes. Et de choisir une sonnerie. Assez puissante pour réveiller un soldat du feu, même si celui-ci ne dort que d’un œil.

Caserne 1, 16h16: «Avis à toute la compagnie: dès maintenant, les départs se font avec le nouveau système de gestion des effectifs», annonce une voix depuis la Centrale d’engagement et de traitement des alarmes (CETA). Six minutes plus tard seulement, le téléphone retentit. Signalement: personne en difficulté dans l’eau. La 2 est immédiatement envoyée sur place. La 1 la suit de près. Bateau, équipe terrestre et hélicoptère sont mobilisés.

Caserne 3, Frontenex, 19h: Point d’alerte pour le moment. Ici, la garde est calme. Un peu trop au goût des jeunes sapeurs. En attendant, on réchauffe la soupe de carottes. Pour la première fois, la caserne va rester ouverte de nuit. On sourit à l’idée du premier réveil, probablement à tâtons, dans ces nouveaux dortoirs. En tout, la rénovation des trois casernes a coûté 3 millions. Une odeur de peinture fraîche s’échappe des six chambres. Manquent quelques finitions. A l’image du coussin à l’arrivée d’une des perches. Des détails qui ne tarderont pas à être réglés. Autour de la table, on échange. Quel est votre souvenir le plus marquant? s’enquiert-on. Le sauvetage périlleux d’un baigneur imprudent au Seujet, répond l’un. Un incendie aux Libellules, se souvient le chef de caserne. «Certaines interventions restent gravées.»

Caserne 1, 20h45: Dans son bureau, le commandant dresse le bilan de la journée. «Mon seul souci, c’est que l’on puisse donner une réponse satisfaisante à celui qui appelle le 118», conclut le colonel Nicolas Schumacher. Au mur, la devise s’affiche en lettres noires: «La victime, au centre de tout et en tout temps.» Il éteint la lumière, il est 22h. Pour ses hommes, la nuit ne fait que commencer.

270 smartphones

MP • A compter du 3 février, le système d’alarme change. Fini le gong. Place aux smartphones: 270 natels, le programme informatique et son développement ont coûté 400’000 francs. Un vrai changement dans la manière de faire. Avant: le pompier connaissait à l’avance l’engin dans lequel monter et son rôle. Aujourd’hui, il est averti par une notification sur son téléphone. Il lui est indiqué dans quel véhicule monter et à quelle place: chef d’engin ou équipier. Enfin, le nouveau système fonctionne en «chenille». L’équipe qui vient de sortir se retrouvant en bout de chaîne. Un renouvellement qui tient compte aussi du temps passé en intervention. A noter: deux autres systèmes demeurent en cas de panne: l’alarme sonore et les pagers (les bips).