La guerre des coiffeurs fait rage à Genève

Les coiffeurs «low-cost» pour hommes se multiplient. La faute à une réglementation floue sur l’autorisation d’exercer la profession. Résultat? Certains professionnels licencient ou mettent la clé sous le paillasson.

  • De nombreux salons cassent les prix et proposent des coupes pour hommes à 20 fr. PASCAL BITZ

    De nombreux salons cassent les prix et proposent des coupes pour hommes à 20 fr. PASCAL BITZ

«Genève compte un salon de coiffure pour 200 habitants»

Dave Griesinger, président de la section genevoise de l’Association des coiffeurs suisse

«Douze nouveaux salons de coiffure pour hommes ont ouvert cet été aux Pâquis! J’ai jamais vu ça! Et en plus, ils cassent les prix. Une coupe et la taille de la barbe coûtent seulement 20 francs et on peut même y aller le soir après 20 heures ou le dimanche!» Ils sont très fâchés les coiffeurs de la place face à la multiplication des salons de coiffure à bas prix en Ville de Genève. Même très inquiets parce que cette concurrence sauvage oblige parfois à licencier ou à fermer boutique.

Record suisse

L’évolution du nombre de salons de coiffure est éloquente: 762 en 2016 contre 674 en 2015. «Ce qui représente un salon pour 200 habitants alors que la moyenne Suisse comptabilise un pour 400 habitants», dénonce Dave Griesinger, président de la section genevoise de l’Association des coiffeurs suisses. Le canton détient ainsi le record national avec le plus grand nombre de salons de coiffure au mètre carré.

Mais comment expliquer cette densité et qui sont ces nouveaux salons qui colonisent principalement les Pâquis, les quartiers de la Servette et de la Vieille-Ville? «Ils sont tenus principalement par des Albanais, des Kosovars qui se défendent de casser les tarifs car ils travaillent en famille, s’insurge une coiffeuse sexagénaire qui a pignon sur rue depuis 30 ans. En réalité, les nouveaux venus profitent ainsi de la loi permettant de ne pas forcément salarier enfants et cousins en ouvrant le soir et le dimanche.» Et une consœur de renchérir: «En plus, ils transforment leur salon en magasin, ils vendent aussi des chaussures, shampoings et produits de beauté. Et tout est bradé.» Du côté de la rue de Lyon, les coups de ciseaux à 20 balles plombent aussi les enseignes. «Face à cette concurrence, qui a commencé il y a 3 ans, j’ai dû licencier mon employée, je ne peux pas régater avec de tels prix alors que je suis assujettie à une certification pour travailler, à la TVA et aux réglementations de la loi sur le travail, soit ne pas travailler le soir et le dimanche.»

Un autre professionnel, très fâché, appuie: «Avant la venue des coiffeurs bon marché, la moyenne pour une coupe de cheveux homme se situait dans les 40 francs. Face à la concurrence, nous avons baissé le prix à 30 francs. Mais là, ce n’est plus possible, avec les charges du salon, si je baisse encore les tarifs, je n’ai plus qu’à mettre la clé sous le paillasson!»

Course au prix

Un coiffeur à bas prix, installé aux Pâquis depuis cet été, reconnaît pouvoir baisser les tarifs parce qu’il est dispensé des prescriptions salariales de la branche plafonnant le salaire à 3800 francs par mois. «Mes employés sont ma famille, des étrangers pour la plupart, ce qui me permet de les payer moins cher.» Et d’argumenter: «Nous avons aussi un meilleur rendement en pratiquant des coupes en seulement un quart d’heure!» Pour freiner cette course au bas prix et au rendement, Damien Ojetti, président national de la Coiffure Suisse assure que, d’ici le printemps prochain, toutes les solutions seront passées au peigne fin avec les partenaires sociaux.

Berne ferme les yeux

«La libre concurrence, les bilatérales, l’absence de la clause du besoin, la crise sont à l’origine de ce capharnaüm, s’inquiète Dave Griesinger le porte-parole de la section genevoise de l’Association suisse des coiffeurs. Il y a un un flou, Berne ne légifère pas, ne contrôle pas et autorise d’exercer la profession sans la même certification demandée aux Suisses.» Mais ces nouveaux figaros qui cassent le marché, ont-ils réellement un avenir à long terme? Les statistiques du Département fédéral de l’économie démontrent qu’à Zurich où a commencé le phénomène il y a près de six ans, 50% de ces salons à bas coût ferment après 2 ans d’exploitation et 90% après 5 ans.