La révolte des riverains de Genève Aéroport

- A coup de pétitions, motion et initiative, les voisins de Cointrin réclament le couvre-feu aérien à 23h.
- Ils redoutent une intensification des vols tard de nuit et tôt le matin.
- L’Aéroport prévoit en effet d’accueillir 10 millions de passagers en plus d’ici 2030.

  • «Il y aura un décollage et un atterrissage toutes les minutes et demie!» Mike Gérard, président de l’association des riverains de l’aéroport.

    «Il y aura un décollage et un atterrissage toutes les minutes et demie!» Mike Gérard, président de l’association des riverains de l’aéroport.

  • Mike Gérard, président de l’association des riverains de l’aéroport, calcule avec minutie le trafic aérien de Cointrin. PASCAL BITZ

    Mike Gérard, président de l’association des riverains de l’aéroport, calcule avec minutie le trafic aérien de Cointrin. PASCAL BITZ

«Il y aura un décollage et un atterrissage toutes les minutes et demie!»

Mike Gérard, président de l’association des riverains de l’aéroport.

«Nous ne devons pas faire les frais d’un aéroport gourmand, qui souhaite gagner plus sans prendre en considération les riverains de Cointrin!» Mike Gérard, président de l’association des riverains de l’aéroport (ARAG) ne décolère pas. «D’ici quinze ans, tout l’environnement aéroportuaire sera chamboulé! Genève Aéroport prévoit d’accueillir 10 millions de passagers supplémentaires et 45’000 mouvements d’avions sans construire de deuxième piste! Leur solution? Etendre les vols de nuit jusqu’à minuit et même autoriser des vols commerciaux en pleine nuit! La situation actuelle est déjà catastrophique, nous n’en pouvons plus!»

Noire perspective

Une des craintes de l’ARAG, c’est une augmentation des vols de nuit, surtout après 23 heures, qui sont néfastes pour la santé des riverains (lire ci-contre). «Par ailleurs, autoriser des vols commerciaux en pleine nuit n’est pas permis actuellement par les ordonnances de l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC)», rappelle encore Mike Gérard. Et d’appuyer: «Cointrin prévoit 139 destinations supplémentaires à travers le monde. Sans compter que le franc fort pourrait privilégier les vacances des Suisses à des destinations dans la zone de l’euro. Ça va faire mal, cette fois nous ne dormirons plus du tout…», s’inquiète-t-il.

Pétition cantonale

C’est donc le branle-bas de combat autour de Cointrin. Le mois de juin est la dernière ligne droite pour faire entendre les doléances des mécontents auprès du Gouvernement. En avril dernier, les riverains ont lancé une pétition à l’échelle cantonale, réclamant le couvre-feu aérien à 23 heures et l’interdiction des vols commerciaux entre 23 heures et 6 heures. Elle sera déposée au Conseil d’Etat fin juin. Il s’agit de la première action cantonale. L’ARAG est aussi associée à d’autres actions communales. D’autres entités, comme l’association des intérêts de Vernier-Village , l’UDC-Vernier ainsi que des habitants de Vernier ont respectivement déposé une motion et une initiative communale. En avril dernier, le Conseil municipal a ainsi adopté une résolution exigeant l’avancement du couvre-feu aérien à 23 heures. L’Exécutif verniolan la transmettra au Conseil d’Etat d’ici fin juin.

Parallèlement, d’autres interventions sont mises sur pied dans les communes concernées par les nuisances aériennes. A Genthod par exemple, des micros enregistrent les décibels. «Nous préférons nous fier à nos propres mesures, plutôt que ceux de l’aéroport qui ne sont pas publiés», détaille pour sa part Daniel Rohner, habitant de Versoix. Du côté français, à Ferney-Voltaire, des actions de protestation sont également pendantes.

Mobilisation interfrontière

Ainsi, de Versoix à Vernier en passant par la France voisine c’est la mobilisation générale afin que la situation ne se péjore pas. Et les contestataires sont tous du même avis: «Nos études poussées démontrent qu’actuellement, le trafic aérien de nuit est en légère baisse, poursuit Mike Gérard. Mais dans 15 ans, lorsque Cointrin accueillera 25 millions de passagers sans piste supplémentaire, nous aurons un décollage ou un atterrissage toutes les une minute trente! Ce n’est pas possible, nous devons prendre les devants!»

«L’aéroport ne grandit pas, mais les besoins en transport si!»

RÉACTIONS • Interview de Bertrand Stämpfli, attaché de presse de l’Aéroport Genève.

– Y a-t-il beaucoup de décollages et d’atterrissages entre minuit et 6h?

– L’aéroport de Genève est fermé au trafic aérien de 23h59 à 05h59. Il y a une extension possible pour les avions à l’horaire jusqu’à 0h29. Après, on est dans le régime dérogatoire. Il faut des événements «imprévisibles» et «exceptionnels» pour que l’autorité aéroportuaire puisse autoriser un atterrissage après cette heure butoir. Par ailleurs, le cas échéant, elle en répond devant l’autorité de tutelle et devant la Justice.

– Quels sont les vols autorisés de nuit ?

– Les atterrissages d’urgence, les vols sanitaires, les vols diplomatiques, les vols militaires.

– L’évolution de Cointrin d’ici 2030?

– Diverses études prévoient que nous pourrions accueillir quelque 25 millions de passagers en 2030 (contre 15 millions en 2014). Ceci voudrait dire que nous ferons face à une croissance de 3% par an, ce qui paraît cohérent. Nous devrons continuer à adapter notre infrastructure pour accompagner cette croissance si elle a lieu dans ces proportions.

– Une réaction aux contestataires?

– Nous sommes un établissement public autonome, propriété de l’Etat. Les discussions actuellement ont lieu au niveau de cette tutelle politique et nous prendrons acte des décisions qui seront prises. Nous veillons à instaurer avec certains interlocuteurs, ou à pérenniser avec d’autres, une qualité de dialogue et d’échange nous permettant les conditions d’une interaction fructueuse.

– L’Aéroport n’est-il pas trop ambitueux?

– Ce n’est pas l’aéroport qui grandit, ce sont les besoins en transport qui augmentent dans la région. Les aéroports sont des plates-formes industrielles, qui génèrent certes des nuisances. Nous veillons à nous donner les moyens de répondre à la demande dans le respect de notre environnement et de nos riverains.