La seconde mort des dents en or et prothèses

- Genève brûle dents et prothèses des défunts, recycle le titane et rend les pacemakers aux HUG.
- Le service des Pompes funèbres rappelle qu’à l’exception des pacemakers, rien n’est retiré du corps.
- La pratique diffère en Suisse. Ainsi, leValais transforme des prothèses en cintres ou portemanteaux…

  • Les métaux qui résistent à la crémation partent en filière de recyclage. PHOTOMONTAGE PASCAL BITZ

    Les métaux qui résistent à la crémation partent en filière de recyclage. PHOTOMONTAGE PASCAL BITZ

«La mission première du services des Pompes funèbres est d’assurer la dignité des obsèques»

Alexandre Breda, chef de Service des pompes funèbres

Que deviennent les prothèses en titane, pacemakers, dents en or, implants mammaires, défribrilateurs cardiaques en cas d’incinération? Sont-ils récupérés par la famille du défunt ou recyclés? A l’heure où les incinérations sont de plus en plus demandées – 75% des Genevois privilégient la crémation depuis 2010 –, et que la médecine contemporaine développe considérablement le recours à toutes sortes de prothèses et autres dispositifs implantables, quelle est la seconde vie de ces corps étrangers?

Dents en or

A Genève les dents en or sont incinérées si la famille ne les réclame pas. «Elles ne sont toutefois jamais demandées, explique Alexandre Breda, chef de service des Pompes funèbres, cimetières et crématoire de la Ville de Genève. Quant aux pacemakers, ils doivent être retirés pour éviter les risques d’explosion dans les fours.»

Pacemakers rendus aux HUG

De leur côté, les Pompes funèbres Murith rappellent que les prélèvements de pacemakers avant incinération font partie d’une réglementation européenne. «Une fois par année, nous les rendons aux HUG», confirme la direction.

Prothèses

Et que deviennent les prothèses, faut-il les retirer avant la crémation? «Les crématoires brûlent toutes les prothèses; les métaux qui résistent, sont recyclés, poursuit Alexandre Breda. Le métal fond ou se consume pendant la crémation, les prothèses, notamment en titane, partent en filière de recyclage des métaux.»

Réglementations

Le Service des pompes funèbres de la Ville de Genève rappelle que rien n’est retiré des corps des défunts avant incinération, à l’exception des pacemakers, et que ce travail n’est pas réalisé par des employés des pompes funèbres. «Nous sommes soumis à des réglementations cantonales et communales, tient-il à souligner. Les pacemakers sont retirés par des médecins des HUG.» Les Pompes funèbres accompagnent bien entendu les familles en deuil dans ces moments pénibles: «notre mission première est d’assurer la dignité des obsèques avec un accueil et un accompagnement adéquats aux personnes vivant cette épreuve.»

Provisoire

Et que font les HUG des pacemakers des défunts? «Les appareils cardiaques sont composés de deux sondes, précise Nicolas de Saussure, porte-parole des HUG. Nous récupérons uniquement la partie reliée à la clavicule et non celle du cœur. Les boîtiers nettoyés sont ensuite réutilisés, notamment lors d’opérations nécessitant une aide temporaire. L’appareil peut alors être une alternative pour aider le patient alité pour une courte durée. En aucun cas ils ne sont réimplantés de manière définitive.»

Ailleurs en Suisse

Et qu’en est-il dans le reste du pays? La Suisse alémanique revend des dents en or et recycle les prothèses des défunts (lire encadré ci-contre) au profit des cimetières, force est de constater que la pratique diffère selon les cantons. A Zurich par exemple, les cendres sont nettoyées avant d’être mises dans l’urne, les parties métalliques telles que les prothèses, les simulateurs cardiaques et les clous de cercueil sont filtrés de sorte qu’il ne restera qu’un granulaire de cendres d’os. Les crématoriums vendent les prothèses à des entreprises qui les recyclent. En Valais, des crématoriums ont eu l’idée de recycler des prothèses de jambes ou de bras de manière insolite. Ils les ont transformées en… portemanteaux ou en cintres! Une obole qui est aussi tout un symbole…

«Un cadavre n’appartient à personne»

ChZ • La seconde vie des prothèses et dents en or n’est pas la même dans tous les cantons. En avril dernier, deux crématoriums Saint-Gallois avaient créé une polémique parce qu’ils avaient prélevé les dents en or de défunts pour les revendre. L’affaire, révélée par l’émission Kassensturz sur la DSR, chaîne de télévision alémanique, mentionnait que la vente des dents en or était une pratique courante dans les crématoires en Suisse allemande. Bien que choquantes, ces opérations ont été déclarées légales: il n’existe en effet pas de législation sur le recyclage des dents en or ou des prothèses. Et si les pacemakers doivent obligatoirement être retirés, c’est parce qu’ils explosent à 1000° C. Un article de l’Université de Lausanne confirme qu’il n’existe pas de législation, si ce n’est que: «Le corps humain et ses parties détachées ne doivent pas être source de profit. Juridiquement, un cadavre n’appartient à personne et par conséquent, l’or dentaire ou une prothèse n’appartiennent à personne.» L’étude rappelle aussi que l’utilisation du cadavre en Suisse fait l’objet d’une réglementation disparate qui s’appuie sur les normes de droit international, européen et fédéral.