Le Nouvel An: une fête de fous?

- Dans l'Antiquité déjà, l'arrivée du Nouvel An donnait souvent lieu à des fêtes débridées
- La date de ces festivités a beaucoup varié selon les époques.
- La cité de Calvin résista 119 ans au changement de calendrier.

  • Remy Pagani - Joelle Emonet

    Remy Pagani - Joelle Emonet

Les fêtes antiques qui se rapprochent le plus de notre Nouvel An sont sans doute les Saturnales qui se déroulaient à Rome entre le 17 et le 20 décembre selon les périodes. Pendant quelques jours, l'ordre hiérarchique et social se trouvait bouleversé puisqu'on laissait même les esclaves prendre la place des maîtres. Dans la ville, des marchés s'étalaient partout et les riches Romains organisaient de somptueux banquets. Ensuite, pendant le Moyen Age, s'il n'existait pas en Europe de date précise pour célébrer la nouvelle année, il y avait bien entre le 26 décembre et le 6 janvier une fête appelée, suivant les endroits, fête des Fous, des Cornards ou encore Les Libertés de décembre. A cette occasion, toutes les outrances ou presque étaient permises et la débauche durait plusieurs jours. Même le sacrilège était toléré: dans certains endroits, on élisait un évêque ou un pape des fous et de faux prêtres barbouillés et masqués chantaient des chansons obscènes tout en prenant des poses lascives.

Sotties et virolet

A Genève aussi, des fêtes débridées se déroulèrent au Moyen Age entre fin décembre et début janvier. Nos ancêtres aimaient beaucoup se déguiser, applaudir des bouffons et surtout danser. Les Genevois avaient ainsi coutume de planter des «pesses» (des arbres et notamment des sapins) sur les places et dans les rues pour danser autour, ils appelaient ça «ronder le virolet». Durant toute cette période, des baraques et des théâtres en bois étaient montés un peu partout dans la ville. Les spectacles donnés dans ces théâtres de rue se nommaient des «sotties», c'est-à-dire des sortes de farces souvent jouées par des compagnies de «fols». Ces derniers avaient le droit de porter un bonnet à longues oreilles et leur «folie» supposée permettait de faire passer les pires obscénités ainsi que des satires sociales ou politiques; on jouait également de petits contes divertissants appelés des «hystoires». De nuit, l'illumination se faisait grâce à des feux de joie ou à de grands flambeaux.

Coups de poing

Transportons-nous maintenant quelques siècles plus tard, dans les années 1900, sur la plaine de Plainpalais. Là, pendant les fêtes de fin d'année, des carrousels à vapeur crachant d'imposants panaches de fumée faisaient sensation. Un immense toboggan attirait une foule de spectateurs qui, si l'on en croit la presse de l'époque, venaient spécialement pour assister «aux chutes multiples des maladroits». Bref, on s'amusait en venant regarder les gens se casser la figure…

Folle excitation

Le soir du 31 décembre, selon la coutume, la foule envahissait la Vieille-Ville et se ruait sur la place Saint-Pierre pour y danser. A minuit, on allumait des feux de Bengale rouges ou verts sur tous les balcons et on dansait encore quelques heures. Cette folle excitation donnait parfois lieu à des incidents: «on s'écrase un peu et l'on échange des coups de poing de nouvelle année». Les accidents de la circulation n'étaient pas rares, à l'image de cette collision entre un char et un vélo au carrefour de Rive. «Le cheval fit un écart et vint se jeter sur un cycliste. Le veloceman (sic) eut le temps de sauter de sa machine, mais la bicyclette fut brisée.» On ignore si c'est le cocher, le cheval ou les deux, qui avaient trop bu!

Eléphants au menu du Réveillon

FS • Le Nouvel An, c'est aussi l'occasion de faire bombance et la gastronomie y tient une bonne place. En ce domaine, le Réveillon de 1870-1871 à Paris détient la palme du menu le plus fou. Précisons que la capitale française était assiégée par les Prussiens depuis septembre 1870, et la population était tellement affamée qu'on mangeait les chiens, les chats et même les rats qui se vendaient à prix d'or. A l'approche des fêtes de fin d'année, certains restaurateurs décidèrent qu'il fallait, malgré toutes les restrictions, réaliser des menus d'exception. C'est ainsi que les animaux des zoos parisiens furent sacrifiés et vendus une fortune aux meilleurs restaurants. Chez Brébant par exemple, on trouvait au menu du Réveillon les mets les plus extravagants: pâté de rats, tête d'âne farcie, consommé d'éléphant, chameau rôti, civet de kangourou, côte d'ours, cuissot de loup, chat flanqué de rats et terrine d'antilope! Le prix du repas était exorbitant... C'est vraiment ce qu'on appelle faire la fête à tout prix!