Les paysans meurent dans l’indifférence

Manque de reconnaissance, bureaucratie en hausse, coûts de production qui flambent. La situation des agriculteurs genevois s’est nettement dégradée ces dernières années. Politiques et spécialistes de la branche tirent la sonnette d’alarme.

  • La situation des agriculteurs genevois se détériore au fil des mois. GETTY IMAGES/NICOLASMCCOMBER

    La situation des agriculteurs genevois se détériore au fil des mois. GETTY IMAGES/NICOLASMCCOMBER

«Quand on vend un litre d’eau minérale plus cher qu’un litre de lait, ce n’est plus décent»

Francis Egger, responsable du département économie et politique au sein de l’Union Suisse des paysans

Les paysans genevois vont-ils disparaître? Paul*, la cinquantaine bien avancée, en est convaincu, sa profession est quasiment condamnée: «Si on continue comme ça, je vais tout simplement arrêter. Mes collègues sont dans la même situation, certains sont à deux doigts de la dépression, les autres survivent tant bien que mal.»

François Erard, directeur d’AgriGenève, la chambre genevoise d’agriculture, confirme l’urgence de la situation: «Il ne reste que cinq producteurs de lait dans le canton, c’est le secteur le plus touché par la pression sur les prix. A Genève, comme ailleurs, les revenus s’érodent, la bureaucratie et les heures de travail explosent. Il existe aussi un manque de reconnaissance de la profession. C’est alarmant!»

Suicides en hausse

Symptôme de cette réalité, le suicide des paysans est un sujet qui occupe le devant de la scène médiatique depuis quelques mois. En France, chaque jour, un agriculteur met fin à sa vie. En 2016, pour le seul canton de Vaud, ils étaient huit à se donner la mort. Etonnamment, aucun chiffre officiel n’existe sur ce phénomène inquiétant, ailleurs en Suisse: «Nous ne disposons pas de statistiques sur les suicides, pointe Francis Egger, responsable du Département économie et politique au sein de l’Union Suisse des paysans. Cependant, d’après les informations recueillies, ils sont en augmentation, ce qui est très inquiétant.» François Erard tient cependant à nuancer: «L’agriculture dans notre canton est périurbaine, les gens sont plus proches les uns des autres, ils peuvent plus facilement se confier.»

Soutien financier

Au niveau politique, diverses mesures ont été prises afin de sauver un métier en détresse: «A travers le label Genève Région-Terre Avenir (GRTA), par exemple, le canton s’est donné les moyens de s’engager et soutenir une politique ambitieuse pour manger local, sain et équitable, le tout en favorisant une agriculture de proximité, note Luc Barthassat, conseiller d’Etat chargé du Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture. Nous disposons aussi de fonds pour soutenir les agriculteurs devant faire face à des difficultés financières.»

Prise de conscience

Pour Esther Alder, conseillère administrative en charge de la cohésion sociale et de la solidarité en Ville de Genève, il convient de favoriser une prise de conscience citoyenne, politique, mais aussi d’agir sur le plan financier: «Le marché ne doit plus être le seul maître, il faut favoriser une société durable et solidaire, pour que les agriculteurs locaux se sentent respectés dans leur travail et dans leur volonté de promouvoir une alimentation de qualité.» Et Francis Egger de conclure: «Quand on vend un litre d’eau minérale plus cher qu’un litre de lait, ce n’est plus décent.»

*prénom d’emprunt connu de la rédaction