Les réseaux sociaux attisent l’antisémitisme

  • Théories du complot, clichés sur les juifs et injures pullulent sur les réseaux sociaux.
  • Autre tendance alarmante, l’antisémitisme se masque sous le vernis politiquement correct de l’antisionisme.
  • Un rapport relève une augmentation de 133% des actes antisémites graves ou sérieux en 2019. Dossier.

  • Kippas portées lors d’un mariage. «Il faut éduquer à refuser la banalisation» de l’antisémitisme, suggère Joël Herzog, président de la section genevoise de l’Association Suisse-Israël. 123RF/BORISKU

    Kippas portées lors d’un mariage. «Il faut éduquer à refuser la banalisation» de l’antisémitisme, suggère Joël Herzog, président de la section genevoise de l’Association Suisse-Israël. 123RF/BORISKU

«Toute retenue verbale a disparu, les verrous ont sauté»

Jonathan Kreutner, secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites

Des excréments retrouvés aux abords d’une synagogue genevoise, un homme qui crie «Heil Hitler» à un groupe de rabbins, de jeunes athlètes israéliennes insultées et menacées dans un bus des transports publics. Le dernier rapport de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad) est formel: l’antisémitisme a augmenté sur le territoire romand en 2019. Avec quatorze actes graves ou sérieux recensés l’an dernier contre six en 2018. Soit une hausse de 133%.

Laurent*, banquier approchant la cinquantaine, effectue chaque jour le trajet Lausanne-Genève en train. Mais depuis quelques mois, les propos ouvertement antisémites et antisionistes de certains passagers l’inquiètent: «Toutes les semaines, j’entends des voyageurs qui ne se gênent plus pour déverser leur haine sur l’Etat d’Israël. Hier encore, un groupe de jeunes se réjouissait de la domiciliation à Lausanne d’un idéologue d’extrême droite français. Sur Internet, c’est pire encore. Lorsque j’ai posté un message sur Facebook critiquant l’arrivée de cet antisémite notoire, j’ai dû affronter une pluie d’insultes. Cela m’attriste profondément.»

Négationnisme rampant

Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Cicad, confirme cette banalisation de l’antisémitisme en Suisse romande: «En 2019, nous avons enregistré 114 actes antisémites en Suisse romande. Plus de la moitié des actes (51%) concernent les théories du complot juif et 26% le négationnisme. Les négationnistes constituent une nébuleuse faible en nombre de personnes mais toujours active en Suisse. De nouveaux acteurs de la sphère négationniste comme le site GrandFacho.com s’ajoutent aux négationnistes connus et actifs depuis des dizaines d’années.»

L’ère des fake news

Les réseaux sociaux sont particulièrement pointés du doigt puisqu’ils concentrent 25% des actes antisémites recensés en Suisse romande en 2019. «Sur la toile, les clichés sur les juifs, les propos diffamatoires et les injures sont aujourd’hui monnaie courante et l’on ne recule pas non plus devant les menaces», constate Jonathan Kreutner, secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI). Avant de préciser: «Toute retenue verbale a disparu, les verrous ont sauté, au point que l’on ne se donne même plus la peine de prendre un pseudonyme.»

Cet antisémitisme décomplexé se nourrit également de l’antisionisme qui consiste généralement à s’opposer à la politique d’Israël, mais qui peut aller jusqu’à une négation de cet Etat et même à souhaiter sa destruction. Pour les institutions juives, l’antisionisme s’apparente à un antisémitisme masqué.

Joël Herzog, président de la section genevoise de l’Association Suisse-Israël, en est convaincu: «Selon la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), certaines formes de l’antisionisme sont des formes de l’antisémitisme, surtout quand il s’agit de refuser à Israël le droit d’exister.»

Preuve supplémentaire de cette inquiétante montée de l’antisémitisme, 16 tags représentant une croix gammée ont été dénombrés dans le canton de Genève en 2019. Un chiffre en hausse de 77% par rapport à l’année précédente…

* nom connu de la rédaction