Les Suisses pris à la gorge par le petit crédit

- Au moins 3% de la population suisse, soit 240'000 personnes, sont endettées jusqu'au cou.
- Un rapport exclusif de Caritas Suisse que GHI a pu se procurer montre que certaines banques et sociétés de recouvrement en profitent honteusement.
- Les premières accordent des prêts au-delà des limites légales. Les secondes réclament des montants injustifiés aux personnes endettées.

  • En Suisse, 240'000 personnes sont endettées.

    En Suisse, 240'000 personnes sont endettées.

  • En Suisse, 240'000 personnes sont endettées.

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  • En Suisse, 240'000 personnes sont endettées.

    En Suisse, 240'000 personnes sont endettées.

Les instituts de crédit et les sociétés de recouvrement flirtent régulièrement avec les limites de la loi. Juriste et conseiller en désendettement chez Caritas, Sébastien Mercier a épinglé certaines de leurs pratiques douteuses dans un rapport rédigé en vue des débats qui auront lieu cet automne à Berne concernant deux initiatives parlementaires en rapport avec le petit crédit.

Ce rapport d'une dizaine de pages, que GHI a pu se procurer, dénonce un système qui prend à la gorge beaucoup de personnes. Un exemple: même frappées d'opposition ou entièrement réglées, les poursuites restent inscrites pendant cinq ans dans les registres officiels.

Données monnayées

Pour que cette trace soit effacée, elles doivent encore payer! «Bon nombre de créanciers, dont les sociétés de recouvrement et des assureurs-maladie ont pris la détestable habitude de monnayer la radiation des anciens contentieux, ceci au-delà de toute norme légale», révèle le juriste. Une situation particulièrement injuste pour ceux qui cherchent un emploi ou à se loger, puisque les régies exigent un extrait de l'office des poursuites. Assez fréquente, cette pratique n'est «ni vraiment légale, ni tout à fait illégale». Si les sociétés de recouvrement, dont la mission première est de réclamer le paiement des factures de leurs clients, rechignent à mettre à jour leurs registres, c'est parce que ces données valent de l'or. Elles sont en effet rendues accessibles, moyennant finance, à toute personne qui voudrait vérifier la solvabilité d'un client ou d'un associé avant de conclure une affaire.

"Bon nombre de créanciers ont pris la détestable habitude de monnayer la radiation des anciens contentieux, ceci au-delà de toute norme légale"Sébastien Mercier, juriste et conseiller en désendettement chez Caritas

Poursuites injustifiées

Les poursuites infondées constituent un autre problème dénoncé dans ce rapport. Actuellement, n'importe qui peut se voir notifier un commandement de payer sans que l'existence de la dette ne doive préalablement être prouvée. Certains créanciers en profiteraient: ils facturent «systématiquement aux débiteurs des frais administratifs injustifiés et exorbitants». Le montant réclamé peut donc atteindre le double, voire le triple de la dette initiale! Pour annuler une poursuite injustifiée, il faut du temps et… de l'argent! Exemple: pour une dette de 200 francs, établir un commandement de payer coûte 20 francs au créancier, mais le débiteur risque de devoir avancer plus d'un millier de francs pour s'en libérer. S'il n'arrive pas à prouver qu'il est en règle, il devra s'acquitter de la totalité des frais de justice.

Travail bâclé

Enfin, le rapport mentionne le «travail bâclé» des prêteurs et des courtiers en ce qui concerne le traitement des demandes de crédits. En principe, la situation et la capacité financière de l'emprunteur doivent être examinées avec soin. Dans la pratique, il arrive que les crédits octroyés dépassent considérablement ce qui est autorisé. Ce tour de passe-passe est possible grâce notamment à la sous-estimation quasi systématique de certains postes dans l'établissement du budget minimum pour vivre. Ainsi, les frais de garde des enfants, les frais de déplacement et les repas hors du domicile peuvent être réduits à la portion congrue, quand ils ne sont pas carrément considérés comme nuls. Sébastien Mercier parle de procédés «propres à constituer une grave violation de la loi».Interrogé, un responsable de l'institut de crédit Bank Now réfute cette accusation: «Nous évaluons la situation des demandeurs très sérieusement avant d'octroyer un prêt. Mais certains nous donnent volontairement de fausses informations. Il est dans notre intérêt d'accorder des prêts uniquement dans les cas où l'on peut supposer, avec raison, que l'argent emprunté pourra être récupéré».