Les violences ont doublé en six mois aux HUG

  • Entre février et juillet 2020, 159 incidents, touchant notamment les personnels de santé, ont été recensés.
  • Etonnamment, les Hôpitaux universitaires de Genève n’établissent pas de lien entre cette hausse inquiétante et la pandémie.
  • Une analyse que ne partage pas le CICR qui a tiré la sonnette d’alarme dès le mois d’août déjà. Notre dossier.

  • La sécurité aux Hôpitaux universitaires de Genève est assurée par 38 agents. STéPHANE CHOLLET

    La sécurité aux Hôpitaux universitaires de Genève est assurée par 38 agents. STÉPHANE CHOLLET

  • STÉPHANE CHOLLET

«Les attaques pouvent aller jusqu’à l’agression à l’arme blanche, conflits entre patients, menaces verbales, insultes...»

Nicolas de Saussure, responsable médias des HUG

Les «situations de violences» ont quasiment doublé aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ces derniers six mois! Concrètement, pas moins de 159 cas sont à déplorer entre début février et fin juillet 2020, contre 86 sur la même période en 2019… «Le terme de violence est à considérer dans son sens le plus large», clarifie d’emblée Nicolas de Saussure, responsable médias des HUG. Avant de préciser: «Il comprend les menaces et attaques contre les personnels de santé pouvant aller jusqu’à l’agression à l’arme blanche mais également les conflits entre patients, les menaces verbales et insultes, les dégâts matériels, les suicides…»

Pour l’heure, Nicolas de Saussure ne peut pas affirmer que cette inquiétante augmentation soit une conséquence du Covid-19. «Il ne semble pas y avoir de dénominateur commun entre ces 159 cas. Cette hausse pourrait être également liée à la libération de la parole que nous encourageons sur ces questions de violence depuis 2016 déjà (lire encadré).»

Urgences, psychiatrie et pédiatrie touchées

Tout autre son de cloche du côté du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Un communiqué publié le 18 août pointe clairement la pandémie de coronavirus, son ambiance anxiogène, la peur d’attraper le virus et les bouleversements des protocoles de soins comme sources de la mise en danger des personnels de santé par les patients et leurs proches dans près de 41 pays dans le monde (lire ci-dessous).

Qu’en disent le Syndicat des services publics (SSP) et la section genevoise de l’Association suisse des infirmières? «Nous n’avons pas eu plus de remontées de cas de violences que d’habitude. D’ordinaire, ces incidents touchent le service des Urgences adultes et pédiatriques et la psychiatrie», répond Sabine Furrer, représentante du SSP aux HUG. Sa collègue Beatriz Rosende, qui a une vision plus romande de la question, souligne que la phase «dure» du Covid-19 a même été plutôt plus calme que la normale étant donné que les services non urgents étaient fermés et les hôpitaux inaccessibles aux familles. «On ne note ainsi aucune augmentation des cas d’incivilité dus au Covid-19 au CHUV à Lausanne», argumente-t-elle. Avant de nuancer: «Des tensions, portant le plus souvent sur le port du masque obligatoire, sont néanmoins apparues lors du retour à la normale. De manière plus générale, rappelle la syndicaliste, on constate que moins il y a de personnel hospitalier et plus il y a de violences.»

Soutien psychologique très sollicité

En attendant de mieux cerner l’ampleur et l’origine du phénomène, les HUG ont-ils renforcé leur dispositif sécuritaire pour protéger le personnel de santé? «Non. Aucune mesure nouvelle n’a été prise. La sécurité est toujours assurée par les 38 agents du service Prévention Sécurité Surveil- lance», explique Nicolas de Saussure. Avant de conclure: «Pour l’heure, nous sommes plus vigilants qu’inquiets et attendons d’analyser les prochains chiffres pour établir ou non un lien avec la pandémie, particulièrement en ce moment où les signes d’une deuxième vague se renforcent de jour en jour.»

Inquiétude du CICR

Du 1er février au 31 juillet, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a eu connaissance de 611 incidents de violence, harcèlement ou stigmatisation à l’encontre des personnels de santé, des patients et des structures médicales dans 41 pays. Des chiffres d’autant plus préoccupants qu’ils ne reflètent que les cas connus, le nombre de cas réels étant sans doute nettement plus élevé. «Nombre de soignants ont été insultés, harcelés ou victimes de violences physiques. Ce climat de peur, souvent aggravé par un manque de protection individuelle, a eu un impact sur leur santé et celle de leurs familles», déplore Maciej Polkowski, responsable au CICR de l’initiative «Les soins de santé en danger».

La plupart des actes commis par des patients ou des proches sont liés au décès d’un membre de leur famille ou la peur de voir mourir l’un des leurs. Il est arrivé que des parents de malades décédés se retournent contre le personnel ou les structures médicales après avoir été contraints de renoncer aux rituels funéraires. «Ces actes sont souvent motivés par la peur de contracter le virus et par un manque de connaissances élémentaires sur le Covid-19», explique Esperanza Martinez, cheffe de l’Unité santé du CICR. Dans ce contexte, lutter contre la désinformation est primordial.

Plainte et soutien psychologique

Dès 2016, les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) constataient une tendance à la hausse des menaces et agressions contre leurs collaborateurs. Depuis, plainte est systématiquement déposée en pareils cas. Les employés bénéficient aussi d’un soutien psychologique à l’interne. Depuis le 20 mars 2020, le dispositif CovidPsy leur propose même, préventivement, un appui psychologique spécifique face au stress et à l’épuisement provoqués par la pandémie du coronavirus. Entre le 23 mars et le 31 mais, les 23 psychologues de proximité mobilisés ont réalisé pas moins de 591 entretiens individuels et 499 de groupe. Et ce n’est de loin pas fini…