L’Etat de Genève a foi en la laïcité

- Le principe de laïcité de l’Etat a été renforcé par la nouvelle Constitution.
- Une commission vient d’être nommée pour en vérifier l’application.
- Aréopage de personnalités, elle aura jusqu’au 30 septembre pour remettre un rapport très attendu.

  • Lors de la prestation de serment du Gouvernement, la cathédrale Saint-Pierre se transforme en bâtiment civil. DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

    Lors de la prestation de serment du Gouvernement, la cathédrale Saint-Pierre se transforme en bâtiment civil. DAVID ROSEMBAUM-KATZMAN

A Genève, l’Etat et les religions sont séparés. L’Etat est une chose. Les diverses communautés religieuses, ou spirituelles, en sont une autre.

Chacun vit sa vie, dans une atmosphère de respect et de paix confessionnelle. Cette séparation a été inscrite dans le marbre par une loi en 1907, puis confirmée par la nouvelle Constitution de la République et Canton de Genève, acceptée par le peuple en 2012. L’article 3 de notre Charte fondamentale étant très court et très général, nous le reproduisons ici intégralement:

1) L’Etat est laïque. Il observe une neutralité religieuse.

2) Il ne salarie ni ne subventionne aucune activité cultuelle.

3) Les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses.

Sujet sensible

Si les deux premiers points sont parfaitement clairs, rappelant d’autres régimes de laïcité, comme la loi française de 1905 ou celle de Neuchâtel à la même époque, le troisième exige d’être défini, clarifié, codifié, exemplifié. Quelles sortes de «relations»? De simple courtoisie, teintée d’indifférence? Ou plutôt, un véritable dialogue? Mais alors, lequel? Ces choses-là ne vont pas de soi, le sujet est sensible, il convient donc d’apporter de la précision au texte constitutionnel. A cet effet, le Conseil d’Etat vient d’annoncer, le 19 décembre, la création d’une commission chargée de mettre en œuvre ce fameux alinéa 3 de l’article 3. Le journaliste Jean-Noël Cuénod, excellent connaisseur de l’Histoire genevoise, et plus précisément de ses aspects confessionnels et de la question de la laïcité, en assumera la présidence. Elle aura jusqu’au 30 septembre 2014 pour déposer son rapport. A noter – c’est important – que le domaine scolaire et celui des cimetières ne feront pas partie du champ de ses investigations.

Composition

La composition de la commission est très intéressante. On y a mélangé des experts, comme Philippe Borgeaud, professeur honoraire d’Histoire des religions, ou Marie-Jeanne Bachten, spécialiste des faits religieux, avec d’éminents représentants ou grands connaisseurs des différentes religions ou confessions représentées à Genève: le Rabbin François Garaï, de la Communauté juive libérale; Michel Grandjean, qui enseigne l’Histoire du christianisme à l’Université; Philippe Matthey, Curé du Grand-Lancy, ou encore Zidane Mériboute, professeur à Genève, Constantine et Tunis. Les trois grandes religions du Livre auront leurs sensibilités représentées. La vaste vision historique et scientifique d’un Philippe Borgeaud, l’un des grands connaisseurs des religions antiques, notamment de la Grèce ancienne, donnera à ce groupe la puissance d’une perspective, mais aussi le panorama d’un arrière-pays qui sera loin d’être négligeable. Car la pluralité du monde religieux est loin de se résumer aux seuls monothéismes.

Bilan

Reste à savoir comment cette commission réussira à donner incarnation et précision à ce fameux alinéa 3: «Les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses.» Et d’abord, qu’est-ce qu’une «communauté religieuse»? Lesquelles, face à un Etat laïque, se verront-elles reconnaître ce statut, et lesquelles se le verront refuser. Et du coup, en pratiquant ainsi une différenciation, l’Etat demeurera-t-il laïque? Enfin et surtout, quelles «relations» les commissaires proposeront-ils à l’Etat d’entretenir avec les religions? Bonne chance à ce groupe! Il aura du boulot. Nous attendons ses conclusions avec un très vif intérêt.