Marchés publics: des patrons en colère

  • Face à la concurrence transfrontalière, des entrepreneurs genevois expriment leur ras-le-bol.
  • Ils s’estiment abandonnés par les autorités cantonales et leur demandent de favoriser le tissu local.
  • Le Département des finances martèle que la loi permet déjà de favoriser les PME locales. Notre dossier.

  • Pour certains patrons de PME genevoises, il est impossible de s'aligner sur les tarifs des entreprises françaises. dr

    Pour certains patrons de PME genevoises, il est impossible de s'aligner sur les tarifs des entreprises françaises. dr

«Une concurrence déloyale»

Paul*, entrepreneur genevois actif dans le transport

Stéphane Oberson, directeur de la boulangerie éponyme à Bernex, ne décolère pas: «Certaines communes nous demandent de jouer le jeu de l’approvisionnement local pour nos fournisseurs et matières premières. En revanche, ces mêmes communes ne se gênent pas pour commander ailleurs, même parfois hors du canton de Genève, pour des questions de coûts. Ceci se fait au détriment des entreprises contribuables de la commune.»

Même son de cloche de la part de Paul*, un entrepreneur genevois actif dans le transport: «On se fout littéralement de notre gueule car les charges sont monstrueuses et on ne profite même pas des marchés publics du canton. Au bout d’un moment, trop, c’est trop! Nous devrons licencier des employés si cette concurrence déloyale continue.»

Coût social

Des inquiétudes amplement partagées par Thierry Vidonne, président de la section genevoise du Parti bourgeois démocratique (PBD): «Ces patrons ont raison! Nous savons que des entrepreneurs étrangers installent des filiales sur Genève et font venir du personnel de loin à bon marché. Les communes ainsi que le canton doivent organiser les appels d’offres de manière à favoriser le tissu local! Ce modèle est mis en péril par la volonté d’un seul critère: le prix. Sans s’occuper du coût social quand les emplois seront détruits.» Avant d’ajouter: «Il faut favoriser les entreprises qui prennent en compte le long terme, les apprentis, les travailleurs de plus de 50 ans et d’autres critères qui ne sont que des critères de bon sens.»

Face à ces attaques, Nathalie Fontanet, conseillère d’Etat en charge du Département des finances, tient à rassurer: «L’attribution des marchés publics est régie par un ensemble complexe de lois internationales, fédérales, intercantonales et cantonales qui ont pour but d’assurer une concurrence efficace et loyale, de garantir l’égalité de traitement et la transparence des procédures. La réglementation genevoise impose le respect des conditions de travail locales, notamment les salaires minimaux.»

Contrats perdus

Des propos qui ne rassurent pas vraiment Paul: «Entre ce que disent les politiques et notre quotidien, il y a un fossé gigantesque. Dans la réalité, on perd de nombreux contrats. Pas parce que nous ne sommes pas compétitifs ou que nous faisons mal notre travail, mais il est tout simplement impossible de s’aligner sur les tarifs d’entreprises françaises qui ont des charges bien inférieures.»

Comment changer cet état de fait afin que les PME genevoises ne se sentent plus lésées? Nathalie Fontanet a son idée: «Les entrepreneurs locaux ont souvent intérêt à se faire mieux connaître auprès des autorités adjudicatrices, à entreprendre des démarches commerciales afin de présenter leurs offres et se démarquer de la concurrence par leurs compétences, leurs aptitudes et leur professionnalisme.»

Pas sûr que cela soit suffisant…

* nom connu de la rédaction