Privés d’ascenseur, des locataires vivent l’enfer

  • A Onex, des locataires d’un immeuble de neuf étages, âgés ou handicapés, doivent vivre sans ascenseur.
  • Certains sont confinés chez eux avec des réserves de vivres. D’autres se font livrer repas et commissions.
  • Tous attendent de l’aide. La régie affirme faire le maximum pour réduire les nuisances. Reportage.

  • Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

    Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

  • Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

    Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

  • Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

    Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

  • Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

    Les travaux, qui engendrent bruit et poussière, sont censés durer sept semaines. FRANCIS HALLER

«Nous avons été accueillis chez notre fils. D’autres locataires n’ont pas cette chance» Un habitant du 24 rue des Bossons

«Qu’allons-nous faire? Rester cloîtrés chez nous parce que nous n’aurons plus d’ascenseur durant deux mois? Qui ira promener Médor? Qui fera nos commissions? Qui descendra nos poubelles et les déchets triés? Qui se préoccupe de notre santé, des locataires dont un est à moitié aveugle, l’autre en chaise roulante ou se déplaçant avec un déambulateur?» Une dizaine de locataires habitant dans un immeuble de neuf étages au 24 rue des Bossons, à Onex, est au bord de la crise de nerfs. Et pour cause, la majorité, âgée entre 75 et 90 ans, est privée d’ascenseur depuis le 15 janvier. Les travaux de remplacement du lift vétuste sont prévus pour sept semaines, soit jusqu’à début mars prochain. Si tout va bien.

Chaises repos par étage

«La régie a bien installé une chaise par étage pour nous permettre de reprendre notre souffle, mais tout de même, c’est du foutage de gueule», s’exaspère un locataire les traits tirés. Avant d’ajouter. «Ma voisine a un problème au cœur. Elle a des grosses difficultés!» Et son épouse de s’énerver: «Il paraît qu’on aura droit à une baisse de loyer de 2% par étage. Mais on n’a pas été averti. Pour nous, qui vivons au 8e cela représenterait 50 francs. Ridicule!»

Agacé par tant de contraintes, un couple d’octogénaire a finalement décidé de quitter son quatre-pièces durant les deux mois de travaux. «Nous avons été accueillis chez notre fils. D’autres locataires n’ont pas cette chance.»

Aveugle, handicapés

André, pour sa part, âgé de 78 ans, a le sentiment d’être pris en otage par la régie: «Personne n’a été relogé. Exceptés deux locataires: une femme hospitalisée a obtenu le droit de prolonger son séjour; une autre a pu rejoindre, provisoirement, son mari à l’EMS. Nous, nous devons nous débrouiller, nous faire livrer nos repas et nos commissions. C’est un scandale!»

Réserves de guerre

Un nonagénaire bougonne: «Depuis le 15 janvier, je ne bouge pas de chez moi. J’ai fait mes réserves de guerre, rempli mes placards de riz, pâtes, huile, eau. Mon congélateur est aussi plein à craquer. Quant à mes poubelles, je ne me gêne pas, je les laisse derrière ma porte.» Lucide, l’alerte locataire avoue qu’il n’hésitera pas non plus, le cas échéant, à demander une consultation médicale à domicile s’il est trop fatigué pour se rendre à ses trois rendez-vous hebdomadaires. Et, s’il le faut, il enverra les factures à la régie.

144 marches

«Les résidents font peine à voir», renchérit un quadragénaire, l’un des plus jeunes locataires, qui, pour sa part, se tape quotidiennement les 144 marches avec son petit chien âgé, qu’il porte dans les bras, pour parvenir au 9e étage. «Il y a cette veuve qui se déplace à l’aide d’une canne, ce monsieur dans une chaise roulante et un autre en déambulateur. C’est pitoyable de voir ça en Suisse!»

Même le cabinet médical d’un neurologue, installé au 2e, subit de plein fouet la situation: «Nous avons modifié notre planning en devant parfois nous rendre chez nos patients, avoue l’assistante médicale. La plupart sont en chaise roulante et les escaliers en colimaçon, très étroits, n’aident pas. Au pire, ce sera à nous d’aider nos patients à monter.» Au 24 rue des Bossons, l’enfer ne fait que commencer… et transforme un paisible immeuble locatif en véritable tour infernale.

"Nous payerons les frais au caspar cas"

La régie affirme avoir pris en considération les problèmes occasionnés par les travaux. Elle rappelle qu’ils ont été demandés par le propriétaire, qui souhaitait moderniser l’ascenseur pour des raisons de sécurité liées à l’âge de l’installation. «Le délai de rénovation a été restreint au maximum pour ce genre d’intervention technique, notamment grâce à la mise en place d’une organisation des travaux rigoureuse, déclare le directeur régional. Tous les efforts ont été entrepris afin de minimiser l’impact sur les habitants. Nous avons pris des dispositions, comme la prise en charge de certains frais liés à des aides ponctuelles [courses, rendez-vous externes, etc.]. Le remboursement sera discuté au cas par cas, car il n’est pas possible de faire des généralités.» Quant à savoir si les locataires seront indemnisés, la régie déclare que «la réflexion est en cours mais qu’elle ne sera finalisée à l’issue du projet, de manière personnelle, selon la durée des travaux et des étages». Pour rappel, la réglementation genevoise en matière de travaux dans des bâtiments privés exige des indemnisations lorsque des travaux perdurent. Elles sont principalement destinées aux personnes âgées et handicapées lorsqu’il n’y a aucune possibilité de relogement. Mais comme les travaux au 24 rue des Bossons à Onex sont agendés pour sept semaines, les locataires lésés risquent de ne rien voir venir…