Réforme du droit d'asile: les enjeux

- Faut-il accepter, le 9 juin, les modifications urgentes de la loi sur l'asile?
- Le Parlement a révisé cette loi, introduit l'urgence sur plusieurs mesures, un référendum les a combattues.
- Résultat: le peuple est appelé aux urnes. Rappel des enjeux.

  • Simonetta Sommaruga défend avec brio une ligne qui n'est pas celle de son parti.

    Simonetta Sommaruga défend avec brio une ligne qui n'est pas celle de son parti.

La question de l'asile, en Suisse, est l'une des plus difficiles, des plus complexes et des plus controversées dans l'opinion publique. La loi sur l'asile (LAsi), maintes fois révisée ces dernières décennies, doit donner des réponses à des situations humaines parfois dramatiques. Elle doit aussi permettre à notre pays de traiter les demandes de façon rapide, juste et efficace. Depuis en tout cas le dix-neuvième siècle (à vrai dire avant, si on pense au Refuge des Huguenots en 1685), la Suisse est traditionnellement une terre d'asile. Hongrois de 1956, Tchécoslovaques de 1968, Tibétains, Tamouls, réfugiés des Balkans, Chiliens ou Argentins des années de dictature, pour ne prendre que quelques exemples. Mais aujourd'hui, l'opinion se crispe, dénonce les abus, ne veut pas entendre parler de requérants délinquants. Les fronts politiques, entre la droite et la gauche, se durcissent. C'est dans ce contexte, qu'il fallait poser au départ, qu'intervient la votation fédérale du 9 juin prochain.

Explosion des demandes

Le «printemps arabe», expression à laquelle nous mettons volontairement des guillemets, a fait exploser les demandes d'asile en Suisse. Pour la seule année 2012, elles étaient au nombre de 28'631. 27% de plus qu'en 2011! Il faut remonter à l'année terrible 1999, celle de la guerre au Kosovo, pour trouver un nombre plus impressionnant: 47'513 demandes. Les requérants viennent principalement d'Erythrée (4407), du Nigéria (2746), de Tunisie (2239), Serbie (1889) et Afghanistan (1386). Puis la Syrie, suite aux événements terribles que vit ce pays, avec 1229 demandes.Comme Elisabeth Kopp dans les années 80, comme Arnold Koller, Ruth Metzler, Christoph Blocher et Eveline Widmer-Schlumpf, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga doit affronter la situation, montrer qu'elle la maîtrise, ne pas donner l'impression d'une machinerie trop lente, inefficace. Elle doit donner à la population le signal d'une autorité politique qui fonctionne. Socialiste, elle défend la ligne du Conseil fédéral, qui n'est pas celle de son parti, c'est très fréquent dans notre système de collégialité. Autant le dire: elle le fait avec classe, précision, compétence, en gardant la tête froide. Au débat d'Infrarouge sur RTS Un, elle fut tout simplement remarquable.

Procédures accélérées

La réforme prévue le 9 juin vise à accélérer les procédures (1400 jours, aujourd'hui, en moyenne, pour le traitement d'une demande! L'idée serait de passer à 140 jours). Mais aussi, créer des centres fédéraux, augmenter les pouvoirs de la Confédération, instaurer des centres pour «requérants récalcitrants». Les opposants rappellent la délicate question des déserteurs: «Un déserteur syrien, note le comité référendaire, est un opposant à la dictature, pas un faux réfugié! Autre exemple: les déserteurs érythréens qui ont fui une dictature brutale où ils risquent d'être torturés. Ils ne pourront être renvoyés en raison de ce risque et resteront en Suisse sous un statut précaire, défavorable à leur intégration et contraire à leurs droits».A vrai dire, pour qui observe la politique fédérale depuis quelques décennies, les argumentaires des uns et des autres n'ont guère changé par rapport aux grands débats des années 80, sous Elisabeth Kopp (1984-1989). C'est à la fois une question de positionnement politique (avec un front droite-gauche assez clair), et un appel plus profond, plus individuel, à la conscience de chacun. C'est sans doute en fonction de cette voix intérieure que chacun d'entre nous, le 9 juin, se prononcera.

«Depuis quelques décennies, les argumentaires des uns et des autres n'ont guère changé.»

Commentaire: au cœur de notre identité

La démocratie directe, l'asile: deux sujets très puissants de notre identité suisse. Ils nous accompagnent depuis les origines de notre Etat fédéral, en 1848. Quelles que soient vos opinions, il vaut la peine que vous alliez voter ce 9 juin: ces deux thèmes-là, c'est du lourd.Suffrage universel contre élection intermédiaire par l'Assemblée fédérale. Voilà une dialectique constante de notre politique suisse. D'un côté, le mythe (dans son sens fort) de la Landsgemeinde, repris au dix-neuvième par les régimes plébiscitaires, espérant le corps électoral le plus élargi possible: être majeur et être Suisse. De l'autre, issue des Lumières, la construction plus raisonnable, moins tellurique, moins verticale, d'un régime parlementaire: celui dans lequel nous sommes.L'asile, depuis les profondeurs de notre Histoire, accompagne le destin suisse. Protestants français du dix-septième siècle, révolutionnaires allemands ou italiens de 1848, Européens de l'Est à l'époque du Mur, Syriens d'aujourd'hui: la Suisse a une mission d'accueil. Elle a le droit, aussi, de se prémunir des abus.Sur ces deux thèmes, chacun de nous votera en conscience. C'est le petit miracle, la secrète fragilité de notre démocratie. PaD