«Rendez-nous l’accès aux rives du Léman!»

- Les berges du lac appartiennent au domaine public. Pourtant, deux tiers d’entre elles restent inaccessibles à la population.
- Déposée début octobre, une motion réclame un état des lieux de toutes les constructions privées qui barrent l’accès.
- But de la manœuvre? Procéder au démantèlement des ouvrages non conformes à la loi.

  • Dans le canton de Genève, seulement un tiers des rives sont accessibles au public. PASCAL BITZ

    Dans le canton de Genève, seulement un tiers des rives sont accessibles au public. PASCAL BITZ

«Les rives ne sont pas à vendre et encore moins à donner»

Victor van Wartburg, président de l’association «Rives publiques»

«La situation actuelle est choquante. A ce jour, aucun relevé sur l’utilisation des rives du Léman n’a été établi à Genève», dénonce le député socialiste Romain de Sainte-Marie. «Selon la loi, les berges du lac appartiennent pourtant au domaine public», rappelle-t-il. Avant de préciser: «Sur cette épineuse question de l’accès aux rives, le Canton est à la traîne et fait preuve d’opacité depuis de nombreuses décennies. Cela ne peut plus durer».

Bafouer la loi

Pour faire bouger les lignes et contrer ce qu’il considère comme un manque de volonté politique, le vice-président du parti socialiste genevois a déposé, début octobre, une motion au Grand Conseil. Celle-ci demande à l’Etat de recenser de toute urgence et avec précision toutes les constructions obstruant le passage des piétons. «A Genève, près des deux tiers des rives restent inaccessibles au public. Personne n’a le droit de s’approprier le domaine public», dénonce-t-il. Avant de poursuivre: «Nous demandons également un rapport détaillant tous les contrôles effectués par la police des constructions concernant les aménagements sur les rives publiques pour les cinq dernières années.»

Démanteler les ouvrages non conformes

But de la manœuvre? Corriger les dysfonctionnements et rendre les berges finalement accessibles au plus grand nombre. «Les rives appartiennent à l’ensemble de la population. La nouvelle Constitution genevoise prévoit que l’Etat en assure le libre accès. Plus de deux ans après son entrée en vigueur, le Gouvernement n’a pas avancé d’un pouce», assène de son côté Cyril Mizrahi, député socialiste, membre du Conseil de la Fondation Rives publiques et cosignataire de la motion. «Il est plus que temps de dresser un état des lieux pour pouvoir procéder à des améliorations progressives, voire au démantèlement des ouvrages non conformes à la loi», préconise-t-il.

A la charge des propriétaires

Le dépôt de ce texte parlementaire ravit Victor von Wartburg, président et fondateur de l’association Rives publiques. «Proposer d’établir enfin un plan directeur sur l’utilisation des rives du lac à Genève est une très bonne nouvelle. Le canton de Vaud possède déjà une telle carte depuis l’an 2000, il est temps que Genève rattrape son retard», analyse-t-il. Avant d’ajouter. «A la condition que les lois soient ensuite appliquées avec effet immédiat. Il faut en effet se montrer strict sur la mise en place d’un calendrier d’application. L’avantage serait que le démantèlement des enclos, murets, barrières et autres portails ou enrochements hors la loi serait à la charge des propriétaires et ne coûterait donc rien au contribuable.»

Les rives ne sont pas à vendre

Comme on pouvait s’y attendre, silence radio du côté du Département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (DALE). «S’agissant d’une motion qui vient d’être déposée, le DALE ne se prononce pas. C’est au Conseil d’Etat qu’il appartiendra de prendre position par la voie parlementaire, à laquelle il doit la priorité», se borne à répondre Rafaèle Gross-Barras, chargée de communication.

Reste que, sans attendre de connaître le sort que les députés vont réserver à la motion, les débats promettent déjà d’être houleux. Depuis toujours en effet, toute initiative de rendre public l’accès aux rives du Léman bute notamment contre de puissants propriétaires et des organisations de défense de l’environnement farouchement militantes. Pas facile non plus de se mettre d’accord sur la question de savoir à qui appartiennent réellement les rives du Léman...

Une question à laquelle Victor von Wartburg répond sans la moindre équivoque. «Les lacs font partie de notre patrimoine. Ce patrimoine appartient à tous les habitants. C’est un bien commun. A Genève, comme ailleurs en Suisse, il est inadmissible que les rives soient privatisées par des égoïstes qui croient qu’on peut tout acheter. Les rives ne sont pas à vendre et encore moins à donner».