Retraite: un ticket pour la précarité

  • Depuis 2010, les prestations complémentaires pour les 65 ans et plus explosent. £
  • Le canton de Genève détient la palme de la rente AVS la plus faible pour les hommes. 
  • La précarité des retraités est amenée à s’aggraver. Prévoir est la meilleure manière d’éviter le pire.

  • Arriver à la retraite s’apparente souvent à une perte de pouvoir d’achat. 123RF/ANNA BIZORI

    Arriver à la retraite s’apparente souvent à une perte de pouvoir d’achat. 123RF/ANNA BIZORI

«Il me reste souvent moins de 200 francs pour faire mes courses pour le mois»

Gennaro, retraité

Quand Gennaro* a pris sa retraite en 2012, il ne se doutait pas un seul instant que sa vie allait devenir un véritable enfer. C’est avec une voix tremblante qu’il se confie: «Je passe mon temps à me serrer la ceinture. Il me reste souvent moins de 200 francs pour faire mes courses pour le mois. C’est horrible de vivre ainsi après avoir travaillé durement toute sa vie. Je n’ai jamais été riche, mais là, c’est insupportable.» En tant que mécanicien indépendant, cet habitant de Versoix ne s’est jamais constitué de deuxième pilier. Sa seule bouffée d’oxygène? Ses deux enfants qui lui donnent de temps à autre quelques plats chauds pour adoucir le quotidien. Ce cas n’est de loin pas isolé.

Triste record

Le canton de Genève détient la palme suisse de la rente AVS moyenne la plus basse pour les hommes avec seulement 1734 francs par mois. Les femmes se situent en queue de peloton à 1811 francs. Mauro Poggia, conseiller d’Etat en charge du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, affiche son incompréhension: «Le canton ne dispose pas de données probantes explicatives. Il faut cependant rappeler que l’aide financière aux personnes âgées représente une dépense de 403 millions par année.»

Causes connues

Le magistrat avoue également que les dépenses en matière de prestations complémentaires AVS ont augmenté de 15% entre 2010 et 2016. Une situation confirmée sur le terrain par Marianne Ricci, responsable du service social au sein de l’Avivo Genève: «Un retraité sur trois a besoin de ce type d’aides pour s’en sortir. La situation s’est nettement dégradée ces dernières années. Les gens sont toujours plus nombreux à nous contacter et ils arrivent souvent paniqués. Les indépendants et les femmes qui se sont consacrées à leurs enfants sont les plus touchés.» Selon la dernière étude de l’Office fédéral de la statistique, les 65 ans et plus seraient 13,9% en situation de pauvreté.

Futur inquiétant

Philippe Wanner, professeur à l’institut de démographie de l’Université de Genève, a son explication: «Les générations des années 1950 arrivent désormais à l’âge de la retraite. Ils n’ont pas profité du formidable développement économique de l’après-guerre, mais ont été les victimes des vagues de licenciements des décennies 1990 et suivantes. Ce sont aussi les premières générations concernées par la monoparentalité, un facteur de pauvreté sur l’ensemble de la vie.» Et d’ajouter comme une mise en garde: «Cette précarité des retraités va indéniablement s’aggraver. Dans les prochaines années, seront à la retraite des personnes ayant vécu des ruptures professionnelles, des migrants arrivés en Suisse au milieu ou en fin de vie active, des chômeurs de longue durée ou des mères ayant élevé seules leurs enfants.»

*nom connu de la rédaction

Anticiper pour ne pas sombrer

Comment éviter de se retrouver dépourvu une fois la retraite venue? Certains décident tout simplement de partir de la Suisse pour gagner en pouvoir d’achat; ils seraient un tiers à le faire selon les dernières statistiques de l’Office fédéral des assurances. Autre solution, travailler au-delà de 65 ans, cela représenterait 12% des personnes en âge de toucher leur rente AVS. D’après le dernier pointage réalisé par l’Office fédéral de la statistique, pour 100 actifs, 34 auraient 65 ans ou plus. Ceux-ci n’étaient que 29 il y a vingt ans. Enfin, les divers spécialistes contactés lors de cette enquête l’affirment: il est essentiel de recalculer son budget avant d’arrêter de travailler. Pour ce faire, il ne faut pas hésiter à demander à sa caisse AVS une estimation de sa future rente. Ainsi qu’un décompte de second pilier à son entreprise. Prévoir, c’est une bonne manière d’éviter de mauvaises surprises lors du départ à la retraite.