Stages non rémunérés: «C'est de l'esclavage moderne!»

- Le phénomène des stages non rémunérés «frappe» jeunes et moins jeunes.
- Des stagiaires témoignent de leur sentiment d'exploitation.
- La gauche élabore des plans d'action pour éviter les abus.

  • Les stages non rémunérés touchent tout particulièrement les jeunes diplômés.

    Les stages non rémunérés touchent tout particulièrement les jeunes diplômés.

«Les stages non rémunérés: de l'esclavage moderne!» Pierrette* n'y va pas avec le dos de la cuillère. A l'origine de sa colère? Une année passée à travailler pour diverses organisations de la Genève internationale, sans toucher le moindre défraiement. Bachelor de sciences politiques en poche, master en mouvements migratoires en cours, sans parler des quatre langues qu'elle maîtrise, elle a toutes les armes en main pour décrocher un emploi rémunéré. Mais rien n'y fait: «J'ai postulé pour un stage à l'ONU, où ma principale tâche allait être de faire des photocopies. On m'a dit de revenir après avoir décroché mon master.»

Quinquagénaires piégées

Le phénomène des stages non rémunérés touche tant les jeunes diplômés que les quinquagénaires. Accompagnée par plusieurs de ses consœurs, Hélène, infirmière de plus de 50 ans au chômage, dépose sa candidature dans plusieurs institutions. Résultat: la proposition d'une journée d'immersion, dans un établissement médico-spécialisé (EMS). Il s'agit en fait d'un remplacement qui ne débouchera jamais sur un emploi (lire ci-dessous).

Débat en cours

Des cas comme ceux de Pierrette et d'Hélène préoccupent les partis politiques de gauche (Parti socialiste, Ensemble à Gauche, Verts): «Nous formulons actuellement une liste de réflexions autour de cette problématique, informe Romain de Sainte Marie, pour le Parti socialiste genevois (PSG). Tout travail mérite salaire. Il est inconcevable que des personnes ayant complété leurs cursus ne soient pas rémunérées.» Un discours corroboré par Grégoire Evéquoz, directeur général de l'Office de l'orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC): «Nous tentons de trouver des solutions à ce problème avec l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), raconte-t-il. Mais comme il existe plus d'une soixantaine de types différents de stages, il est très difficile d'élaborer une base commune à tous.» Et de préciser: «Le secteur des organisations internationales est particulièrement concerné par ce genre d'abus.»

Zone grise

Selon la Fédération des entreprises romandes (FER), le problème vient du fait que les demandes de stages sont trop nombreuses: «Il est difficile pour les entreprises de pouvoir accepter toutes les demandes, affirme Olivier Sandoz, directeur général adjoint de l'institution. Ce d'autant plus que la législation fédérale, au niveau des stages de maturité professionnelle, impose depuis peu de nouvelles contraintes coûteuses aux entreprises.» Quant à la multiplication de stages non rémunérés, Olivier Sandoz minimise: «Pour ce qui est des stages non payés, il n'y a pas de statistiques en la matière. Mais cela reste une exception, insiste-t-il. Le montant de la rémunération relève du domaine de la liberté contractuelle, sauf s'il y a une convention collective.»Mais pourquoi existe-t-il encore des employeurs qui recrutent sans rémunérer? Tout simplement parce que c'est légal: «Il y a une zone grise dans la législation sur les stages, souligne Grégoire Evéquoz. Le stagiaire n'est ni employé, ni apprenti. Il y a donc un vide juridique concernant ses conditions de travail.» Et Romain de Sainte Marie de conclure: «Dès la rentrée, la Gauche rendra public ses propositions visant à légiférer les conditions de travail des stagiaires.»Pierrette et Hélène, ainsi qu'un grand nombre de stagiaires déçus, s'en réjouissent déjà.