Surfaces commerciales: c’est la grande braderie!

  • Avec plus de 200 locaux commerciaux à vendre et 2400 à louer, les premiers effets de la crise économique se font ressentir dans le canton.
  • Les spécialistes de l’immobilier tirent la sonnette d’alarme. Le pire est attendu en septembre avant l’espoir d’une reprise de l’activité économique.
  • Que faire de ces surfaces vides? Les avis divergent.

  • Les surfaces commerciales vacantes dans le canton sont passées de 61’000 m2 en 2011

    Les surfaces commerciales vacantes dans le canton sont passées de 61’000 m2 en 2011 à 337'000 en 2019. 123RF

«La tendance était déjà à l’augmentation de locaux vides avant la crise du Covid-19»

Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière

«Joli petit restaurant à remettre à Meyrin», «tabac épicerie de 36 m2 à louer à Versoix», «prestigieux bureaux à vendre au centre de Champel»: depuis quelques semaines, ce type d’annonces se multiplie à un rythme effréné. Selon nos estimations, il y aurait au minimum 200 locaux commerciaux à vendre et 2400 à louer en ce moment dans le canton de Genève. Des chiffres qui ne surprennent pas Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI): «La tendance était déjà à l’augmentation de locaux vides et avec la crise du Covid-19, cela semble cohérent.» Même son de cloche de la part de Pierre Stämpfli, directeur pour la Suisse romande de JLL (conseil en immobilier): «L’augmentation des surfaces de bureaux vacants existe depuis plusieurs années, notamment dans la région genevoise. C’est également le cas pour les commerces. Le fait que la crise ait renforcé cette dynamique n’est pas une surprise.»

Tendance inquiétante

Pas surprenant, mais néanmoins très inquiétant. Selon l’Office cantonal de la statistique, les surfaces commerciales vacantes sont passées de 61’000 m2 en 2011 à 337’000 en 2019. Une hausse qui devrait fortement s’accélérer cette année. «Il y a différentes causes à cela, précise Fabio Melcarne, président de la section des courtiers au sein de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI), notamment le redimensionnement du secteur financier, la crise économique et l’instabilité fiscale des entreprises jusqu’à l’adoption de la réforme.»

Seule bonne nouvelle, l’activité semble légèrement repartir. C’est le constat de Stéphane Jaggi, associé de Moser Vernet & Cie: «Nous observons une forte demande de visites pour les bureaux. Les entreprises s’interrogent sur la taille idéale de leurs surfaces de travail. L’euphorie du télétravail paraît très vite retomber et les limites de ce nouveau mode de travail se révéler. Il faudra donc attendre la réorganisation des sociétés pour voir des arbitrages se réaliser. Dans le domaine des arcades, nous observons également un intérêt pour la création de nouveaux commerces. Les épiceries fines et autres commerces de détail de produits de qualité semblent répondre à une demande importante de la clientèle du canton.»

Bons emplacements recherchés

Pierre Stämpfli nuance: «L’offre dépasse la demande dans les emplacements secondaires et les centres régionaux. En revanche, les meilleurs emplacements dans les grandes villes sont toujours très recherchés.» Mais selon de nombreux observateurs, le pire est à venir. Le creux de la vague devrait coïncider avec la fin des aides étatiques, soit cet automne selon Fabio Melcarne: «J’ose former un vœu pour que le pire se produise en septembre avant une reprise économique à la fin de l’année ou au début 2021.»

Vers l’e-commerce

Tout dépendra évidemment de la rapidité de la reprise économique selon Véronique Kämpfen, directrice communication au sein de la Fédération des entreprises romandes: «Les chiffres d’affaires du commerce de détail stagnent et se déplacent toujours plus vers l’e-commerce. A Genève, le tourisme d’achat transfrontalier renforce les difficultés de la branche. Les prochains mois montreront si la reprise économique tant attendue a produit les effets escomptés sur la consommation et si les résidents du canton continueront à effectuer un certain nombre de leurs achats en ligne ou en France voisine, ou s’ils consommeront davantage localement. La crise sanitaire a montré que 20% à 30% des achats se font usuellement de l’autre côté de la frontière. En appeler à la solidarité sur les salaires du personnel de vente, qui a été exemplaire, est une chose, mais traduire ces paroles en actes serait autrement plus efficace pour le soutien de ce secteur.» Seule certitude, la hausse des surfaces commerciales vides devrait atteindre des records cette année dans le canton.

Que faire des locaux commerciaux vides?

Avec un taux de vacance de 0,6%, se loger à Genève relève toujours du parcours du combattant. Malgré l’acceptation par la population en 2015 d’un assouplissement de la LDTR (loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation) visant à faciliter la conversion des bureaux en logements, le constat reste inchangé. A l’heure où les surfaces commerciales vides explosent, Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI), exige un coup de pouce étatique: «L’Etat devrait encourager ces mutations qui permettraient de créer quelques centaines de logements supplémentaires bienvenus.» Selon Pierre Stämpfli, directeur pour la Suisse romande du bureau de conseil JLL, il convient de faire preuve de créativité: «De nouveaux besoins vont émerger. Le dernier kilomètre de livraison des biens, par exemple, clé pour le commerce en ligne n’a pas encore trouvé le modèle le plus efficace. On pourrait voir apparaître des showrooms qui servent de points de collecte par exemple.» Véronique Kämpfen, directrice communication au sein de la Fédération des entreprises romandes, tient cependant à mettre en garde: «Dans un monde idéal, il faudrait un système souple qui permette de passer aisément d’une affectation de locaux de commerciaux à du logement et vice-versa. Dans les faits, l’appareil législatif et normatif très lourd qui entoure ces changements d’affectation décourage. C’est d’autant plus dommage que de nombreuses personnes n’arrivent pas à se loger à Genève et que le canton se voit contraint de densifier des zones périurbaines qui pourraient être épargnées si les choses étaient organisées différemment.»