Surveillance d’Airbnb: c’est le Far-West!

Avec plus de 900’000 hôtes par an en Suisse, la plateforme de réservation Airbnb cartonne. D’autant que la surveillance de ceux qui sous-louent leur logement sans s’acquitter des taxes tarde à se mettre en place. A Genève, l’Etat mise sur la dénonciation pour débusquer les fraudeurs. Avec peu de succès. Notre dossier.

  • Lors de son dernier pointage, le site Pilierpublic.com recensait plus de 2040 offres de logements Airbnb dans le canton. DR

    Lors de son dernier pointage, le site Pilierpublic.com recensait plus de 2040 offres de logements Airbnb dans le canton. DR

«Genève ne dispose pas d’une brigade spéciale dévolue à effectuer des contrôles»

Antonio Hodgers, conseiller d’Etat en charge du Département du territoire (photo médaillon)

En mars 2018, le conseiller d’Etat Antonio Hodgers annonçait fièrement l’interdiction de louer tout logement plus de 60 jours par an via des plateformes de type Airbnb. Cette modification réglementaire de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations (LDTR) allait enfin permettre de faire la chasse aux fraudeurs! En gros, ceux qui ne paient pas leur taxe de séjour ou louent des appartements de manière professionnelle. On allait voir ce qu’on allait voir! Force est de constater qu’il s’agissait en fait d’un pétard mouillé. «Nous sommes dans une situation intermédiaire entre ce qui a été annoncé en mars de l’an passé (60 jours) et ce qui est en force suite à une décision de justice (90 jours)», concède le patron du Département du territoire (DT). Avant de poursuivre: «De fait, nous sommes tolérants jusqu’à 90 jours, mais pas au-delà. Notre objectif étant toujours d’attraper les gros poissons, qui eux seront de toute façon au-delà de cette limite. En cas d’infraction, les personnes concernées s’exposent à des mesures et sanctions administratives ou pénales.»

Peu de dénonciations

Voilà pour la théorie, dans la pratique les fraudeurs coulent encore des jours heureux puisque la stratégie genevoise repose sur la simple dénonciation. En d’autres termes, aucun inspecteur n’est en poste pour contrôler les locations sauvages: «Genève ne dispose pas d’une brigade spéciale dévolue à effectuer des contrôles proactifs, confirme le magistrat. Nous agissons sur dénonciation. Certaines villes européennes ont ce genre de brigade, mais il en ressort que sur le grand nombre contrôles effectués, très peu de cas d’abus sont répertoriés. Il y a donc de gros moyens financiers et humains mis en place pour finalement très peu de résultats.» Et d’ajouter: «A ce jour, nous avons reçu moins d’une dizaine de dénonciations qui sont suivies par nos services.»

Mutisme chez Airbnb

Ce faible résultat doit certainement faire sourire ceux qui font commerce de la location de biens immobiliers aux touristes. Cette absence de surveillance stricte leur permet non seulement de ne pas payer la taxe de séjour, mais aussi de ne pas être imposés sur leurs revenus locatifs. Comment mettre un terme à ces pratiques? Idéalement, les autorités pourraient se tourner vers Airbnb, mais à l’heure actuelle la plateforme de réservation basée aux Etats-Unis n’a pas souhaité d’accord permettant un contrôle automatique des locations. Logique, ce n’est clairement pas dans son intérêt.

Pourtant, une solution existe. Elle a été développée dans le canton de Vaud par la société Pilierpublic.com. Son principe est relativement simple: «Notre système envoie un message d’alerte à chaque client pour toute nouvelle sous-location dans le périmètre de surveillance qu’il a préalablement configuré, précise Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur de Pilierpublic.com. Le lien contenu dans le message d’alerte permet de consulter d’un simple clic la page donnant les détails de la sous-location. Avec un clic supplémentaire apparaît l’annonce originale sur le site Airbnb avec les photos qui servent de confirmation avant de contacter le locataire et prendre les mesures adéquates.» Avant d’ajouter: «Au mois de novembre dernier, j’ai personnellement informé le conseiller d’Etat Antonio Hodgers de l’existence de notre solution. Pour l’instant, je n’ai reçu aucune sollicitation de l’Etat de Genève pour un essai gratuit et sans engagement.»

Dommage car le système de traçage développé par Pilierpublic.com vise justement à mettre un terme aux pratiques crapuleuses d’un très grand nombre de cowboys de la sous-location sauvage…

L'insolente croissance d'Airbnb en Suisse

Les derniers chiffres communiqués par la plateforme de réservation Airbnb démontrent sa croissance fulgurante. En un an, environ 900’000 personnes ont réservé un logement sur le site. Les touristes étrangers sont clairement majoritaires puisqu’ils représentent 78% des réservations. Les visiteurs en provenance des Etats-Unis (135’000 hôtes), de France (81’100), d’Allemagne (77’900), de Grande-Bretagne (60’900) et du Canada (31’000) complètent le haut du tableau. Par région, l’Europe (551’000 personnes), l’Amérique du Nord (154’600) et l’Asie (125’000) se taillent la part du lion. Enfin, l’Oberland bernois remporte la palme des destinations les plus appréciées. Les communes valaisannes de Bagnes et Sierre sont les premières romandes, en sixième et septième positions.