«Nous n’avons pas prévu d’installer de contrôle des bagages. L’événement du Thalys n’a pas changé notre vigilance»
Donatella Del Vecchio, porte-parole des CFF
Il suffit de prendre le train entre Lausanne et Genève pour constater que l’attentat du Thalys est encore dans tous les esprits.
Plus de dix jours après l’attaque, Mathias Balma, un analyste financier de 32 ans, ne voyage plus comme avant. «Cela m’a profondément touché car je prends le train deux fois par jour pour des raisons professionnelles. Du coup, je scrute les gens qui montent dans le wagon. C’est certainement inutile, mais c’est vraiment plus fort que moi.»
La Suisse est-elle à l’abri?
Comme Mathias, de nombreux passagers ont encore en tête l’attentat du 21 août dernier (lire ci-contre). Un tel scénario peut-il se produire en Suisse? Jean-Paul Rouiller, directeur du Geneva Center for Training and Analysis of Terrorism (GCTAT), n’écarte pas cette éventualité: «Cela fait environ cinq ans que les trains sont des cibles clairement visées par les terroristes. Ce qui est arrivé dans le Thalys ne m’a pas vraiment étonné et cela pourrait arriver dans notre pays. Près de 200 résidents suisses ont rejoint l’Etat Islamique, l’un de ceux-là pourrait très bien revenir, décidé à commettre un carnage sur le sol helvétique. De plus, il est très facile de mettre sur pied ce type d’opérations. Il suffit d’un homme déterminé, de quelques armes et d’un titre de transport. Et, comme ce fut encore le cas, le retentissement médiatique est toujours maximal.»
Lors de chaque attentat, l’idée d’un renforcement du dispositif sécuritaire revient au premier plan. Portiques de sécurité, présence policière accrue, installation de nouvelles caméras, les possibilités de limiter la menace sont nombreuses. Du côté des CFF, on assure prendre cette menace très au sérieux. «Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités fédérales de surveillance, précise la porte-parole Donatella Del Vecchio. Pour l’instant, nous n’avons pas prévu de renforcer l’infrastructure sécuritaire en installant, par exemple, un système de contrôle des bagages. Cependant, nous sommes en train d’évaluer la situation et nous prendrons des décisions si nécessaire. L’événement du Thalys n’a pas changé notre vigilance.»
Statu quo
Au niveau fédéral, l’organe en charge d’alerter les CFF en cas de menace imminente est le Service de renseignement de la Confédération (SRC). Malgré les attentats à répétition de ces derniers mois, la stratégie consiste également à ne pas s’alarmer suite à l’attaque perpétrée par Ayoub El Khazzani: «Le SRC est responsable de l’évaluation de la situation de la menace en Suisse, rappelle Carolina Bohren, responsable communication. Le degré de menace pour la Suisse est considéré comme élevé depuis les attaques terroristes aux Etats-Unis en 2001 et le développement rapide de l’Etat Islamique en 2014.» Cette attitude d’attentisme généralisé est-elle inquiétante? Selon Jean-Paul Rouiller, il y a une explication presque mathématique. «Deux attitudes sont possibles, soit on décide que les désagréments engendrés par des portiques de sécurité sont plus importants que le risque encouru, soit on se lance dans la course sécuritaire. Apparemment, les CFF ont choisi la première option. Mais en cas d’attaque, je peux vous assurer qu’un contrôle des bagages sera immédiatement mis sur pied. Ils n’auront, à ce moment-là, plus le choix.»