«Vendons les médicaments à l’unité»

- Près de 30% des médicaments vendus en Suisse finissent à la poubelle.
- Pour lutter contre ce gaspillage, le conseiller national socialiste Manuel Tornare prône la vente à l’unité.
- Une fausse bonne idée pour les pharmaciens qui ont du mal à avaler la pilule.

  • «Vendons les médicaments à l’unité»

    «Vendons les médicaments à l’unité»

  • Les patients-consommateurs sont appelés à moins gaspiller. ISTOCK/TWBEEMORE

    Les patients-consommateurs sont appelés à moins gaspiller. ISTOCK/TWBEEMORE

  • Les patients-consommateurs sont appelés à moins gaspiller. ISTOCK/TWBEEMORE

    Les patients-consommateurs sont appelés à moins gaspiller. ISTOCK/TWBEEMORE

«Une telle mesure devrait permettre de réaliser d’importantes économies pour l’assurance-maladie»

Manuel Tornare, conseiller national socialiste

Le conseiller national socialiste Manuel Tornare tire la sonnette d’alarme. «Chaque année, près d’un tiers des médicaments vendus sont jetés sans être utilisés, dénonce-t-il. Selon des chiffres de l’Office fédéral de l’environnement, on parle de près de 2500 tonnes rien que pour 2012. Sur un marché estimé à environ 6 milliards de francs par an, cela représente des centaines de millions qui partent en fumée. C’est inacceptable».

Limiter la mesure

Pour en finir avec ce gâchis, l’ancien maire de Genève propose la vente de certains médicaments à l’unité. «Cela réduirait le gaspillage mais aussi le risque d’automédication avec les comprimés restant dans les boîtes», plaide-t-il. «Ce système sécuriserait l’identification des pilules et les conditions de conservation au domicile des patients, notamment pour les personnes âgées. Par ailleurs, une telle mesure devrait permettre de réaliser d’importantes économies pour l’assurance-maladie au moment où les coûts de la santé ne cessent d’augmenter. Cette pratique existe déjà aux Etats-Unis, au Canada ou en Grande-Bretagne. Et les autorités françaises étudient sérieusement la question», note encore Manuel Tornare. Avant de conclure: «Dans un premier temps, on pourrait limiter la mesure à certains médicaments comme les antibiotiques. Si l’expérience se révèle concluante, elle pourrait être étendue aux autres remèdes.»

«C’est une excellente idée pour lutter contre le gaspillage», soutient de son côté Mathieu Fleury, secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs (FRC). «Cela demande une réforme du métier de pharmacien mais d’autres pays appliquent déjà cette mesure, il n’y a aucune raison d’être plus bêtes qu’eux.»

Ce n’est pas la panacée

Pas si simple rétorque Jean-Luc Forni, président de PharmaGenève, la société faîtière des pharmaciens du canton. «L’intention est louable mais sa mise en pratique reste très difficile», pointe notamment le député PDC. «Les pharmaciens devront en effet préparer des semainiers car il n’est pas possible de dispenser des médicaments en vrac dans des petits cornets si on veut éviter les confusions. Il faudra donc déconditionner et veiller à la stabilité des médicaments. Cette préparation engendre des coûts supplémentaires». Si pour Jean-Luc Forni la vente à l’unité n’est pas la panacée, d’autres solutions en amont pourraient se révéler efficaces. «Il faut notamment travailler sur l’adhésion du patient à son traitement. Un patient qui n’est pas convaincu ne suivra pas forcément les prescriptions de son médecin. Il faut aussi veiller à ce que le plus petit emballage possible soit remis au patient au début de son traitement et agir sur les entreprises pharmaceutiques pour qu’elles produisent des emballages conformes aux doses et durées communément admises pour les traitements.»

Patients-consommateurs

Pour Philippe Morel, médecin-chef du service de chirurgie viscérale aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), les patients-consommateurs sont appelés à mieux collaborer. «Certains se font prescrire des médicaments à plusieurs reprises pour un même problème de santé en consultant plusieurs médecins. Il faut rappeler à tous que les médicaments en Suisse coûtent près de 20% plus cher que dans les pays voisins», souligne le professeur qui n’est pas convaincu par l’emballage unique contre l’emballage multiple. «L’industrie pharmaceutique développe des médicaments sur la base de ceux mis sur le marché. Veillons à ne pas scier la branche prospère sur laquelle nous sommes assis», avertit-il.

Bon sens

«Sur le fond, c’est une bonne idée, note de son côté Mauro Poggia, conseiller d’Etat à la tête de la Santé. Tout ce qui va dans le sens d’éviter le gaspillage va dans le bon sens. L’étude du Conseil fédéral nous dira la faisabilité de cette proposition et nous dira, surtout, dans quelle mesure elle est à même d’être viable», conclut le ministre.

Signé par l’ensemble des partis, le postulat déposé par Manuel Tornare devrait être étudié par le Conseil fédéral dans le courant du mois de juin.

Médicaments sans ordonnance...

GiM/ats • La nouvelle a fait l’effet d’une petite bombe dans le monde de la santé. Désormais l’ordonnance du médecin pour obtenir certains médicaments en pharmacie ne sera plus obligatoire. En effet, le conseil national a adopté, le 7 mai, un projet qui permet au public d’obtenir chez son pharmacien certains produits d’ordinaire soumis à ordonnance, tels que les anti-inflammatoires ou les médicaments antidouleur.

Les droguistes pourront de leur côté vendre tout ce qui n’est pas soumis à ordonnance. De plus, les commerces de détail auront le droit de proposer des produits ne nécessitant pas de conseil spécialisé, comme les pastilles contre la toux ou les tisanes médicinales. Enfin, la vente par correspondance devrait être encadrée plus strictement. Le patient devra disposer d’une ordonnance avant la commande. «Il s’agit d’éviter des consultations médicales non indispensables et de mieux exploiter le potentiel du personnel de la santé», a notamment souligné le ministre de la Santé, Alain Berset.