Vidange de Verbois: à l'heure des comptes

Les Services industriels (SIG) sont sommés de payer 8 millions d'euros à la Compagnie nationale du Rhône.Pour les SIG, il n'est pas question de passer à la caisse.Le bilan des vidanges 2012 vient de tomber: «globalement» bon.

  • Les vidanges sont le meilleur moyen pour évacuer les sédiments du lit du Rhône.

    Les vidanges sont le meilleur moyen pour évacuer les sédiments du lit du Rhône.

La guerre de l'eau entre Genève et la France, une réalité éloignée? Pas tant que ça. Un litige économique sur fond écologique crée des remous depuis le début de l'année. La raison? La Compagnie nationale du Rhône (CNR), société qui gère les infrastructures fluviales côté français, réclame 8 millions d'euros (9,6 millions de francs) aux Services industriels genevois (SIG). Soit une indemnisation pour les dommages subis par les industries, le commerce fluvial et la faune en aval du barrage de Verbois après sa vidange en juin 2012.

Vidanges: depuis 1949

Après avoir étudié la demande de la CNR, envoyée par courrier le 30 janvier, les SIG refusent de passer à la caisse: «Les vidanges existent depuis 1949, et c'est la première fois qu'on nous adresse une telle demande d'indemnisation», s'étonne Isabelle Dupont Zamperini, porte-parole des SIG.

Mobilisation colossale

Contactée, la CNR justifie sa demande controversée: «Nous avons dû mobiliser environ 400 spécialistes fluviaux, explique une porte-parole. Entre les mesures des taux de matières en suspension libérées par la vidange, la renaturation des milieux à fort potentiel de biodiversité et l'arrêt complet des centrales hydrauliques de Génissiat (Ain) et de Seyssel (Haute-Savoie), nous avons subi des pertes financières très importantes. Les 8 millions d'euros que nous réclamons ne couvrent même pas la totalité de notre manque à gagner.» Et de préciser: «Une vidange est une opération violente. Cela fait un moment que nous exprimons notre souhait aux SIG de ne plus renouveler une telle démarche.»

Alerte aux vidanges

Surpris par le courrier de leurs confrères français, les SIG assurent travailler avec la France afin de garantir une bonne gestion des sédiments dans le Rhône. «En attendant de trouver de meilleures solutions, les vidanges restent le meilleur moyen pour évacuer les sédiments du lit du Rhône et éviter le risque d'inondations, à la Jonction notamment», avance Isabelle Dupont Zamperini. Avant de poursuivre: «Rappelons que les sédiments proviennent des gravières françaises dans la plaine de l'Arve et s'accumulent à Verbois, mais aussi dans la retenue de Génissiat (Ain). Depuis 1949, date de la première vidange, chaque exploitant a supporté individuellement le coût des vidanges en conformité avec les accords passés.»

Solutions à l'étude

Mais comment éviter que la situation ne se détériore? «Le sédiments du Rhône font l'objet d'une étude concertée à l'échelle du canton depuis environ 10 ans, informe de son côté François Pasquini, directeur du Service de l'écologie de l'eau, au Département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement (DIME). Suite à la dernière vidange de 2012, nous avons élargi le périmètre de nos actions et mis en place, avec nos confrères français, un groupe de travail technique. Son but est notamment de rechercher les meilleures solutions sur le Rhône du Léman à Lyon. Tous les scénarios sont évalués, et nous disposerons des premiers résultats pour fin 2013.»Conseillère d'Etat en charge du DIME, Michèle Künzler confirme que l'instruction du dossier suit son cours. «Les discussions n'ont pas été rompues et le travail commun se poursuit dans le but de garantir la sécurité des riverains du Rhône et de sauvegarder les milieux naturels», rassure la magistrate. Qui n'oublie pas que, techniquement, ce sont bien les Genevois qui contrôlent le débit du Rhône.

 

Bilan «globalement» bon

SJ • Le bilan final de la vidange effectuée en juin 2012 vient d'être communiqué par le Département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement (DIME). En charge: les Services industriels de Genève et la société des forces motrices de Chancy-Pougny. «Malgré la quantité exceptionnelle de sédiments à évacuer et les contraintes techniques liées au changement des grilles de l'usine de Verbois, les opérations se sont globalement bien déroulées et ont permis de rétablir le niveau de sécurité requis face aux risques d'inondations à Genève.» Du jamais vu pour la quantité de sédiments «avec 3,2 millions de m3 accumulés depuis 2003 et deux semaines pour les évacuer». Un groupe de travail réunissant les autorités genevoises et françaises, ainsi que les exploitants du Rhône, est chargé d'élaborer des propositions de scénarios pour la gestion transfrontalière future des sédiments du fleuve (lire ci-dessous). «Pour permettre d'orienter les dispositions à prendre afin de garantir la sécurité des riverains du fleuve tout en minimisant les impacts sur l'environnement.» Premières conclusions rendues d'ici à fin 2013.