La valse des mauvais perdants

INITIATIVE UDC • Dans une votation, la tristesse des perdants doit être respectée. De leur côté, ces derniers doivent prendre acte du résultat.

  • Préserver la dimension fédérale de notre Etat. ISTOCK

    Préserver la dimension fédérale de notre Etat. ISTOCK

<blockquote> «Il s’agit de tenter de comprendre les raisons profondes du peuple» </blockquote> <sub>Pascal Décaillet</sub>

Dimanche 9 février, la majorité du peuple et des cantons a pris souverainement une décision, celle d’accepter l’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse. Les uns sont contents, d’autres non, c’est exactement le lot de notre démocratie. Entre compatriotes, il convient de part et d’autre de faire preuve de mesure: les gagnants doivent respecter les perdants; et ces derniers doivent, tout au moins, prendre acte du résultat. En reconnaître, même si c’est dur, la légitimité.

Prendre acte du résultat

Pourquoi nous devons-nous ce respect mutuel? D’abord, parce que le combat démocratique est affaire d’idées, et non de personnes. Aussi, parce que dans une vie de citoyen, en Suisse, on est un jour perdant, trois mois plus tard gagnant, et nous tous, au final, aurons passé la moitié de nos dimanches de votes dans le camp des vainqueurs, l’autre dans celui des perdants. Cet équilibre, où chacun finit par trouver son compte, est l’un des secrets de la vitalité de notre démocratie. Du côté des déçus d’un vote, il exige juste un minimum de reconnaissance de la réalité: prendre acte, c’est tout. On a le droit d’être triste, celui de pleurer même, et cela doit être respecté. Mais juste prendre acte du résultat.

La volonté du souverain

Or, depuis le soir du dimanche 9 février, que se passe-t-il? Le déni! On entend proférer toutes sortes d’absurdités. Première d’entre elles: le peuple n’aurait pas compris le réel enjeu du scrutin. Traditionnel argument des perdants, qui consiste à mettre en cause l’entendement du corps électoral. En l’espèce, il tombe particulièrement mal: la brochure était parfaitement claire, le texte de l’initiative simple et factuel. Et il n’a échappé à nul votant que dire oui, c’était orienter le pays vers une régulation (et non un arrêt!) de nos flux migratoires. La majorité du peuple et des cantons, qui a dit oui avec un excellent taux de participation, l’a fait en totale connaissance de cause. Il s’agit donc maintenant, sans tricher ni tripatouiller, d’appliquer la volonté du souverain. Toute autre démarche serait de nature à affaiblir le crédit même d’une démocratie directe que tant de voisins nous envient.

Spécificités cantonales

Autre réaction incongrue: réclamer une application «à la carte» de la volonté populaire. S’il est normal que les cantons frontaliers, comme Genève, tentent d’obtenir des quotas plus élevés, il est hallucinant d’imaginer que certains cantons échapperaient totalement aux lois d’application de l’initiative. Tenir compte des spécificités, oui, et le Conseil d’Etat genevois doit être soutenu dans ses démarches. Mais dessiner un apartheid juridique entre cantons ayant voté oui ou non, c’est la fin de la dimension fédérale de notre Etat.

Ne pas avoir peur

Reste à garder son sang-froid. Ne pas se montrer timoré – voire terrorisé – face au moindre miaulement de réaction d’une Union européenne de plus en plus contestée de l’intérieur pour son déficit démocratique. Nous, les Suisses, sommes un tout petit pays, tellement fragile. N’ayons pas peur du peuple: nous sommes, sur ce continent, les seuls à lui donner vraiment la parole. Lorsqu’il la prend, le moins serait peut-être de l’écouter. Et tenter de comprendre ses raisons profondes. Sinon, autant rétablir l’Ancien Régime. Et la prosternation devant le suzerain.