A quoi joue le MCG?

GRAND CONSEIL • Vendredi 14 mars, le MCG s’est allié avec la droite immobilière. Victoire tactique. Mais qui laissera des traces. Et pourrait lui causer un réel déficit d’image.

  • Une alliance avec le monde de l’affairisme dans laquelle le MCG aura un peu perdu  de sa virginité sociale. ISTOCK/TZARA

    Une alliance avec le monde de l’affairisme dans laquelle le MCG aura un peu perdu de sa virginité sociale. ISTOCK/TZARA

«Le soupçon de collusion avec le monde de l’affairisme va entacher ce parti»

Pascal Décaillet

«Ni gauche, ni droite», nous disaient-ils. Depuis des années, le MCG, le parti qui n’a cessé de monter depuis son entrée au Parlement en 2005, se réclame de ce slogan. Depuis des années, j’affirme que ces mots sont une coquille vide. Parce que la gauche et la droite, n’en déplaise aux bobos post-modernes qui prétendent tout réinventer en faisant table rase de l’Histoire, ça existe. Et particulièrement en matière économique, là où il y a des possédants et des démunis, des propriétaires et des locataires, des actionnaires et de petits employés. Karl Marx, qui n’est pas le dernier analyste venu, appelait cela «la lutte des classes». Aussi poussiéreux soit le mot aujourd’hui, on ne peut pour autant s’en défaire d’une chiquenaude, en abolissant toutes les barrières qui, depuis deux siècles, ont fondé nos antagonismes.

Ambiguïté

J’ai toujours dit que le MCG était un parti de droite. Celle sociale, populaire, gouailleuse, avec de l’accent, du terreau, de la bonne humeur, toutes choses au demeurant excellentes. Mais droite. En aucune manière, ce mouvement n’entre philosophiquement, encore moins culturellement, dans les catégories de la gauche. Pour cela, je n’ai jamais cru au slogan «Ni gauche, ni droite». Mais en même temps, il m’est toujours apparu que la chance historique de ce parti était de ne surtout pas se confondre avec la droite de l’argent. Non que cette dernière soit condamnable, elle a parfaitement le droit à l’existence, tout comme il y eut toujours des orléanistes en rivalité avec des bonapartistes. Mais un parti politique se doit d’être clair. L’ambiguïté peut sans doute lui permettre, par ruse ou par duplicité, de gagner des batailles. Jamais elle ne lui permettra de gagner la guerre.

Décryptage

A cet égard, le jeu du MCG, au soir du vendredi 14 mars, au Grand Conseil, dans le fameux débat sur les PPE, mérite décryptage. Emmené par son nouveau grenadier lance-flammes Ronald Zacharias, ce parti a très clairement fait front aux côtés de la droite immobilière. Tactiquement, il a largement contribué à la victoire, la gauche étant sortie en pièces de la mêlée. Mais stratégiquement! Quelle image! Il n’était pas sûr que les premiers signes de vitalité de la droite élargie dussent absolument se fonder sur une alliance autour des forces de l’argent. D’autres domaines, plus républicains, eussent davantage fait l’affaire. Du coup, maintenant, le soupçon de collusion avec le monde de l’affairisme va entacher ce parti. A tort ou à raison! Mais cela va se produire. Et le MCG aura un peu perdu de sa virginité sociale, comme si un Eden de pureté originelle s’était évaporé.

Déficit d’image

A ce jeu, le MCG ne gagnera pas un seul électeur dans les rangs libéraux. On lui préférera l’original à la copie. Et risque d’en perdre dans sa frange sociale. Victoire tactique, le 14 mars au Parlement. Mais déficit d’image. Ainsi va la politique, qui est cruelle, imprévisible: un jour elle vous caresse jusqu’à l’extase, le lendemain elle vous griffe et vous étouffe. Féline. Carnassière. Affamée. Parfois fatale.

(Lire également en page 3).