COMMENTAIRE - Les joujoux, les poux

  • Pascal Décaillet. dr

    Pascal Décaillet. dr

En politique, tout a un sens, à commencer par les mots. Ainsi,

le nom des département: celui de l’instruction publique devient «formation et jeunesse». Il garde sa titulaire, Anne Emery-Torracinta, mais change bizarrement de nom, tout en perdant

la culture et le sport.

Ce nouveau nom est malvenu. Non que «formation et jeunesse» ne constituent pas un beau duo,

ni une belle ambition, où l’étude se mêle à l’apprentissage. Mais franchement, les puissants penseurs qui ont cru bon de renoncer à une charge historique, intellectuelle et affective aussi lourde que les mots «instruction publique», ont fait preuve de légèreté.

Pourquoi? Mais parce que les mots ont un sens, justement! Ces deux-là nous rappellent les figures de Jules Ferry, le père de l’école gratuite et obligatoire en France, et d’André Chavanne, vingt-quatre ans conseiller d’Etat à Genève (1961-1985), l’homme de la démocratisation des études. Deux références, dont l’une qui fleure les pupitres à encrier (que votre serviteur connut encore, à ses débuts), la craie sur les tableaux noirs, les fleuves avec leurs affluents, les dates des traités,

la jouissance de la grammaire, complexe, truffée d’exceptions, avec ses joujoux et ses poux.

Nous flottons, me sifflerez-vous, dans l’ordre du symbole. Oui. Eh bien, soyons symboliques! Reconnaissons aux mots le poids qui est le leur. Entrons dans l’avenir, bien sûr, mais avec

le fumet et l’encens d’un passé sans lequel nous ne serions rien. Désolé, mais «instruction publique», c’était mieux.