COMMENTAIRE - Nos fragiles équilibres

Nos deux conseillers fédéraux PLR ont-ils encore le sens de l’Etat? Ont-ils bien intégré que le champ de leur action s’inscrivait, non dans une démarche privée, style «gestion de l’entreprise Suisse», mais dans une entreprise d’Etat, au nom d’une mémoire, d’une collectivité et d’un avenir nationaux, dont ils auront à rendre compte, face à l’Histoire?

Ignazio Cassis et Johann Schneider-Ammann sont assurément des ministres compétents, intelligents, et désireux de bien faire. Mais entre les propos du premier sur les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes (lire GHI de la semaine dernière), et les positions ultralibérales du second sur l’agriculture, on peut se demander où est passé ce très grand courant de pensée, qui a fait la Suisse moderne, et qui s’appelait le radicalisme.

La pensée radicale, celle d’un Pascal Delamuraz par exemple, place la dimension d’Etat au centre de tout. Non pour se substituer à l’économie, mais pour donner à cette dernière les conditions-cadres, et aussi les règles du jeu. Surtout, ne jamais oublier que les dirigeants sont au service du peuple suisse, ils sont garants de sa cohésion sociale, sensibles à la solidarité qui a construit notre pays.

Or, autant dans les propos de Ignazio Cassis sur les mesures d’accompagnement que dans la volonté de Johann Schneider-Ammann d’ouvrir l’agriculture suisse aux vents féroces de la concurrence mondiale, il y a des moments où l’on donne l’impression de jouer avec les équilibres, profonds et fragiles, de notre pays. C’est peut-être le rôle d’un financier mondialisé. Je doute que ce soit celui d’un conseiller fédéral.