Droits au peuple ou aux élus: il faut choisir

DéMOCRATIE • Loin de se réduire à la seule querelle sur le nombre de signatures, la votation genevoise du 24 septembre sur les droits populaires pose une passionnante question de philosophie politique: démocratie représentative contre démocratie directe.

  • A Genève, le nombre de signatures nécessaires est plus élevé que dans les autres cantons. 123RF/MALGORZATA PAKULA

    A Genève, le nombre de signatures nécessaires est plus élevé que dans les autres cantons. 123RF/MALGORZATA PAKULA

En Suisse, le peuple est souverain. Par ce mot, «peuple», n’entendez pas l’ensemble de la population, mais ceux qui ont le droit de vote. Les citoyennes et citoyens de ce pays. «Souverain», cela ne signifie pas qu’il jouisse d’un pouvoir absolu, ni qu’il doive se prononcer sur tout. Au niveau des communes, nous avons des délibératifs, qu’on appelle à Genève «Conseils municipaux». Au niveau cantonal, nous avons des législatifs, les Grands Conseils. A l’échelon national, nous avons les Chambres fédérales, Conseil national (200 élus), Conseil des Etats (46, soit deux par canton).

Moins de signatures

Le «peuple» n’est donc pas un tyran, et n’a pas à l’être. Mais, dans notre logique, il a le dernier mot. Si une loi, sortie d’un parlement, déplaît, on peut l’attaquer en référendum. Si le nombre de signatures est atteint, le peuple se prononce. Mieux: les citoyens peuvent eux-mêmes être à l’origine d’un grand débat national, par l’outil de l’initiative populaire. Celle qui exige la double majorité (peuple et cantons). Souverain, mais pas despote: la nuance est de taille.

C’est dans cette perspective qu’il convient de placer la votation cantonale du 24 septembre prochain sur la loi constitutionnelle «Renforçons les droits populaires», visant à abaisser le nombre de signatures nécessaires pour les initiatives et les référendums. Soyons précis: pour une initiative constitutionnelle, on passerait de 4% (aujourd’hui) à 3% du nombre de citoyens ; pour une initiative législative, de 3% à 2%; pour un référendum ordinaire, de 3% à 2%. Le référendum «facilité» continuerait de nécessiter 500 signatures. Pour les votes au niveau communal aussi, le nombre de paraphes serait abaissé. Le Grand Conseil a accepté ce projet. Seuls le PLR et le PDC sont contre. On notera qu’à Zurich, Bâle-Ville, dans le canton de Vaud, le nombre de signatures nécessaires est déjà plus bas qu’à Genève.

Le seul enjeu

Ce vote cantonal n’a l’air de rien, mais il est très important. En aucun cas, il ne doit se résumer à un combat de chiffonniers, ou d’épiciers, sur des chiffres. Le fond, c’est le vieux combat, depuis la Révolution française, et en Suisse la République helvétique de 1798, prélude aux événements fondateurs de 1848, entre la démocratie directe, véritable spécialité suisse, et la démocratie représentative. Depuis 1891, avec les initiatives, puis 1919 avec la proportionnelle, notre système suisse, formidable tissu vivant, n’a cessé d’évoluer, laissant un espace grandissant au pouvoir des citoyens. De plus en plus, le monde des élus parlementaires en prend ombrage, courroucé par cette concurrence du suffrage universel à ses travaux législatifs. Entre les clercs et le peuple, la situation est même plutôt tendue, actuellement, en Suisse. Là est le fond du débat, et non dans la comparaison soupesée des pourcentages, que nous laisserons aux apothicaires. Voulez-vous davantage de démocratie directe, ou au contraire estimez-vous qu’il y en a assez? Là sera, chères concitoyennes, chers concitoyens, le seul enjeu qui vaille: démocratie représentative contre démocratie directe. A chacun d’entre vous de se prononcer en conscience.