Genève internationale: un peu de modestie s’impose!

INSTITUTIONS • Des milliers de gens, dans la cité du bout du lac, s’activent dans les milieux internationaux. On aimerait qu’ils se mêlent plus à la vie locale. Quant aux finalités des grandes organisations, un regard historique impose une certaine retenue sur leur efficacité.

  • La Société des Nations, précurseur de l’ONU, n’a pas pu empêcher ni le fascisme italien,  ni le nazisme, ni l’impérialisme japonais. 123RF/ANDRIYKRAVCHENKO

    La Société des Nations, précurseur de l’ONU, n’a pas pu empêcher ni le fascisme italien, ni le nazisme, ni l’impérialisme japonais. 123RF/ANDRIYKRAVCHENKO

  • La Société des Nations, précurseur de l’ONU, n’a pas pu empêcher ni le fascisme italien,  ni le nazisme, ni l’impérialisme japonais. 123RF/ANDRIYKRAVCHENKO

    La Société des Nations, précurseur de l’ONU, n’a pas pu empêcher ni le fascisme italien, ni le nazisme, ni l’impérialisme japonais. 123RF/ANDRIYKRAVCHENKO

Il est d’usage, au bout du lac, lorsqu’on évoque la «Genève internationââââle», non seulement de bien laisser traîner la dernière syllabe, pour accentuer la dimension galactique du dossier, mais surtout de prendre un air pénétré, profondément docte, l’air de celui qui sait, qui mesure toute l’impérieuse nécessité de ce secteur clef. Contrairement aux autres, les gros lardons qui n’ont rien compris.

ONU, HCR, CICR, OMC...

Je fais partie des gros lardons. Je ne remets pas en cause une vocation internationale née dès 1863, lors de la création de la Croix-Rouge, et abritant aujourd’hui une quarantaine d’organisations, dont l’ONU, le HCR, le CICR, l’OMC, l’OMS, assurément de premier ordre. Mais je me suis toujours permis, au risque d’irriter les huiles et les apparatchiks, de replacer tout ce petit monde face à la seule chose qui compte: la finalité de leurs propres ambitions. En clair: toutes ces nobles institutions ont-elles, face à l’Histoire, toujours eu l’efficacité qu’on veut bien leur prêter?

L’échec de la SDN

A cette question, la réponse est clairement non. L’échec le plus retentissant, il faut aller le chercher dans la plus célèbre de ces organisations, la SDN. Lancée sur les ruines de la Grande Guerre, avec comme gourou le président américain Wilson, la Société des Nations, si sublimement décrite par Albert Cohen dans Belle du Seigneur (vous savez, Adrien Deume qui taille ses crayons), malgré de belles heures à l’époque du Français Aristide Briand et de l’Allemand Gustav Stresemann (les années 1920), s’est finalement liquéfiée lorsque le tragique de l’Histoire a surgi des entrailles de la terre. La SDN n’a pu empêcher ni le fascisme italien, ni le nazisme, ni l’impérialisme japonais. Sa dimension multilatérale n’était qu’un leurre. La leçon est capitale.

Née sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU est-elle vraiment plus efficace? Il doit être permis, tout au moins, d’en discuter. Comme d’analyser sans concessions la puissance de son lien avec le monde atlantique, Etats-Unis en tête. Tout cela, pour dire quoi? Non que ces organisations soient inutiles: par exemple, qui niera les efforts de l’OMS pour harmoniser les politiques de santé dans le monde? Mais enfin, quand on en parle, de Genève, un minimum de mesure, de modestie, s’impose. Et puis, le petit monde international vit, hélas, beaucoup trop entre soi, dans une sorte de ghetto: on aimerait tellement que la richesse de tous ces apports, venus de la planète entière, se mêle davantage à la vie des Genevois. Cet objectif-là, majeur, n’est absolument pas atteint.

Beau contre-exemple

Je terminerai par un lumineux contre-exemple: celui de mon confrère, le journaliste sénégalais Gorgui Ndoye. De Genève, il nous parle, avec une remarquable conscience panafricaine, de tous les aspects de son continent. Il se mêle constamment à la vie genevoise, vibre avec la population lors d’événements locaux, partage avec nous la splendeur terrestre de la langue française. Celle de Racine. Celle de Rimbaud. Et aussi, celle de Senghor. Merci, Gorgui! Et vive l’échange, lorsqu’il touche à l’essentiel, loin du cliquetis des cocktails.