Jacques Friedli, salutaire emmerdeur!

PARTI SOCIALISTE • Au Congrès socialiste du 6 octobre, un très jeune candidat de combat à la présidence a créé l’événement, en remportant un tiers des voix! Si le parti est intelligent, il devra tenir compte de cette candidature.

  • Jacques Friedli: la fougue de la jeunesse et le courage de dire les choses. DR

    Jacques Friedli: la fougue de la jeunesse et le courage de dire les choses. DR

Un jeune homme de 24 ans, franc, loyal, clair et sympathique. Un monolithe de courage, seul contre un appareil. Tel est Jacques Friedli, ancien conseiller municipal de Bernex, qui a osé, ce samedi 6 octobre, présenter une candidature de combat, au Congrès des socialistes, pour la présidence du parti. Il n’a pas été élu, mais face au vainqueur, Gérard Deshusses, il a réussi l’exploit – il n’y a pas d’autre mot – d’arracher un tiers des voix! C’est considérable, époustouflant même, pour un candidat de dernière minute, ne disposant pas de la puissance ancestrale des réseaux qui traversent le parti. Avec un tel résultat, les socialistes, s’ils sont intelligents, seront obligés d’entrer en matière sur l’implacable papier de position publié cinq jours avant le Congrès, le lundi 1er octobre, par l’enfant terrible.

Réquisitoire sans appel

Le parti socialiste, à Genève, ne se porte pas si mal, et la présidente sortante, Carole-Anne Kast, affiche un bon bilan, avec notamment la reconquête, par Thierry Apothéloz, du deuxième siège au Conseil d’Etat. Mais ce parti, comme tant d’autres, est traversé par des courants qui se combattent, dominé par quelques caciques, qui se partagent postes et prébendes. Cela, Friedli le dit, dans son papier du 1er octobre: «Un parti dont la machine est dirigée par un petit groupe de personnes qui gardent jalousement le pouvoir… Les changements au Comité directeur et à la présidence ressemblent davantage à un jeu de chaises musicales qu’à une élection démocratique.» Le soir même de ce lundi 1er octobre, sur le plateau de Genève à Chaud, le jeune homme dressait un réquisitoire sans appel contre le cumul des mandats, l’oligarchie dans le partage des postes. Bref, de quoi se faire des amis! De quoi se faire littéralement flinguer par les apparatchiks, le jour du Congrès.

Genève a besoin de davantage de Friedli

Eh bien, il n’en fut rien. Au Congrès, Jacques Friedli a pu s’exprimer. Et il a cartonné (pour un outsider!) au moment du vote. La grande chance du parti, face à cette fronde, est que le vainqueur du jour, Gérard Deshusses, est un homme d’expérience et de sagesse. Il n’a pas polémiqué. Mieux: dimanche soir (7 octobre) au Grand Genève à Chaud, en compagnie de sa nouvelle première vice-présidente, Caroline Marti, il a eu des mots bienveillants pour son concurrent. Laissant entendre qu’on avait besoin de lui pour enrichir la dialectique interne du parti. Tactique ou spontanée, cette réaction était la plus intelligente à afficher, et laisse augurer, pour les deux ans qui viennent, une présidence de qualité. En attendant, avec Jacques Friedli, un tempérament politique est né à Genève: la fougue de la jeunesse, le courage de dire les choses, celui d’affronter seul un enchevêtrement de caciques se tenant par la barbichette. Il nous faut, à Genève, toutes options politiques confondues, davantage de Jacques Friedli: la démocratie a parfois besoin de salutaires emmerdeurs pour survivre.