Les hommes et les femmes politiques, c’est nous

DéMOCRATIE • Singulier concept que celui d’une catégorie à part, qui seule détiendrait le droit de faire de la politique! Opposons-lui celui de citoyenneté universelle, dont le cœur palpitant est chacun d’entre nous, face au destin commun.

  • La vivacité et l’efficacité de notre démocratie directe ne dépendent que de nous. 123RF/GüRCAN YURT

    La vivacité et l’efficacité de notre démocratie directe ne dépendent que de nous. 123RF/GüRCAN YURT

Dans l’histoire de l’humanité, le concept «d’homme politique» est une invention incroyablement récente. Ne parlons pas de celui de «femme politique», qui l’est encore davantage! Au fond, cette étrange catégorie d’individus, dont on attendrait qu’ils fassent seuls la politique, n’est apparue qu’après la Révolution française: on commence à les entrevoir dans certains romans de Balzac. Ils arrivent à partir du moment où, avec pas mal de soubresauts pendant tout le XIXe siècle, on s’est mis à élire des gens dans des parlements.

Qui peut «faire de la politique»?

En parallèle, sont nés les partis politiques: ceux qui en étaient membres, ou en constituaient les personnages les plus visibles, on les a appelés des «hommes politiques». Et peu à peu, a germé dans l’esprit des gens l’idée que seuls ceux qui étaient dûment estampillés de ce label avaient le droit de «faire de la politique». La masse des autres n’étant bonne qu’à élire, tous les quatre à cinq ans, des gens qui, à leur place, décideraient du destin national.

Cette conception, qui met en valeur et en lumière une petite catégorie de clercs, et jette dans l’ombre le corps des citoyens, transformé en masse anonyme, est un dévoiement du principe révolutionnaire de citoyenneté. On notera que, déjà sous la Révolution, existait une dialectique fort vive entre partisans du pouvoir au peuple (une sorte de démocratie totale), et ceux qui défendaient la primauté de la représentation. Ces derniers ont assurément gagné, mais jusqu’à quand?

Part infime, mais sacrée

Plus de deux siècles après cet immense brassage d’idées qu’a constitué l’épisode révolutionnaire, de nouveaux paramètres surgissent, qui pourraient bien, dans les décennies qui nous attendent, réhabiliter l’idée d’une démocratie centrée, non sur les corps intermédiaires, mais sur les citoyennes et les citoyens. Ces derniers n’étant plus considérés comme de bonnes vieilles machines à élire, puis se taire entre deux élections (ou brailler dans la rue). Mais comme des acteurs de la vie politique.

Au fond, les hommes et les femmes politiques, c’est nous. Chaque citoyenne, chaque citoyen, muni du droit de vote, détient une partie de la souveraineté universelle. Cette part est infime, mais elle est sacrée. Inaliénable. Indivisible. Elle nous sert à élire des gens, mais aussi – et c’est infiniment plus intéressant – à inventer nous-mêmes la politique, par exemple en nous engageant dans des comités d’initiatives.

Citoyens et hommes politiques

Notre démocratie directe n’est pas un luxe, ni une option, elle est un organe de notre ordre constitutionnel, au même titre qu’un processus de décision parlementaire. Sa vivacité, son crédit, son efficacité ne dépendent que de nous: plus nous nous en servirons, mieux nous choisirons nos thèmes, plus l’institution même de la démocratie directe, dans notre pays, marquera des points. La balle est dans notre camp à tous: nous sommes tous des citoyennes et des citoyens. Tous, nous sommes des femmes et des hommes politiques.