Les Suisses n’ont pas dit non à la souveraineté!

VOTATION • Le 25 novembre, le peuple a refusé l’ancrage mythique dans le XIIIe siècle. Et il a montré son attachement aux droits de l’homme. Il n’a donné aucun blanc-seing à une délégation de pouvoir.

  • Face à l’histoire, la souveraineté demeure posée. 123RF/ CHAOSS

    Face à l’histoire, la souveraineté demeure posée. 123RF/ CHAOSS

C’est plié, et c’est sans appel. L’initiative sur les «juges étrangers», a été clairement refusée, par deux tiers (66%) du corps électoral suisse. Avec 34% de oui, l’UDC n’a réussi à rassembler que 4 ou 5% de plus que son potentiel électoral, au niveau national. C’est un échec, il serait absurde de le nier. La primauté du droit suisse sur le droit international ne sera donc pas inscrite dans le marbre constitutionnel, ni d’ailleurs le contraire.

En clair, nous sommes partis, dans la politique suisse, vers des temps troubles et difficiles, avec de possibles conflits entre démocratie directe et accord internationaux. Les uns se prévaudront du peuple souverain. Les autres brandiront cette décision du 25 novembre 2018. Les combats se dérouleront au cas par cas, texte par texte, et sans doute au final les juges du Tribunal fédéral seront-ils appelés à trancher. Ce qui, dans une démocratie comme la nôtre, n’est jamais une bonne chose.

Expression «juges étrangers»

Pour les partisans de l’initiative, c’était, dès dimanche midi, l’heure du débriefing. D’aucuns n’ont pas manqué de souligner la faiblesse de leur propre campagne électorale, affiches ratées, slogans illisibles, graphisme des années 1970. Certes. Mais l’ampleur de l’échec ne peut en aucun cas s’expliquer par ces critères de forme. Il s’est passé autre chose, de beaucoup plus fondamental, et c’est dans le corps du texte proposé qu’il faut aller le chercher.

D’abord, cette expression, «juges étrangers», fait clairement référence au Pacte fédéral. Elle est belle, elle est parlante, avec sa part de mythe, mais elle est puisée dans un univers, celui du XIIIe siècle, où la plupart des Suisses savent fort bien la part de récupération qui fut celle du XIXe. Nos citoyennes et citoyens ne sont pas dupes, par plus que les Français ne le seraient de l’utilisation, a posteriori, de la figure de Jeanne d’Arc.

Ensuite, il y a eu l’affaire de la CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg. Elle permet à chacun de nous, individuellement, de recourir auprès de cette instance, même s’il a été débouté par la Cour suprême de notre pays, le Tribunal fédéral. En cas d’erreur judiciaire des juges de Lausanne, ou de condamnation trop lourde, cette possibilité est sans doute appréciée de nos concitoyens. En laissant les adversaires de l’initiative mettre l’accent sur ce point, les partisans du texte ont perdu du terrain. On a parlé droits de l’homme, alors que le thème politique essentiel était celui de la souveraineté législative nationale. L’erreur est immense. Elle fut fatale.

Mythes de l’UDC

Les Suisses, le 25 novembre 2018, n’ont pas dit non à la souveraineté. Ils n’ont donné aucune espèce de blanc-seing à une délégation de pouvoir politique à une instance externe au pays. Ils ont juste refusé un texte qu’ils estimaient trop marqué par la part de référence aux grands mythes de l’UDC zurichoise. Et ils ont été sensibles à la question des droits de l’homme. Ça n’est pas la fin du monde. Ni même celle de la Suisse. Et la question de la souveraineté, face à l’histoire, demeure posée. Mais sans doute, désormais, sans Christoph Blocher.