MAH: l’éternel retour!

PATRIMOINE • Moins de quatre mois après la votation du 28 février, revoilà le Musée d’Art et d’Histoire. Sous la forme de deux projets, annoncés à deux jours d’intervalle. Et ça repart! Comme en quarante.

  • Le Musée centenaire fait à nouveau parler de lui . DR

    Le Musée centenaire fait à nouveau parler de lui . DR

Le charme de Genève, c’est que nous avons, plus que d’autres, le secret du feuilleton. Ainsi, le Musée d’Art et d’Histoire (MAH). Un siècle d’existence, un non le 28 février dernier (54%) à un projet d’extension et de rénovation, quelques mois de ce frêle et timide silence qui succède au fracas des batailles, et voilà, ce 20 juin 2016, que tout repart! Le Musée, on en reparle. Du passé, on fait table rase. Vers l’avenir, on se tourne. C’est comme la traversée du lac: l’éternel retour. Et comme, à Genève, rien n’arrive jamais seul, voilà qu’en même temps, un génial architecte suisse déboule avec son projet à lui. A peine remis de la campagne sonore de cet hiver, nous voilà déjà avec deux scénarios du futur. Et croyez-moi, il y en aura d’autres. Il y avait donc des plans B, bien sûr. Il y en a toujours.

Attente du renouveau

La campagne du 28 février a été rude. Des coups ont été portés, des flèches décochées, des images dévoyées. Il y a eu des blessures. L’enjeu, qui charriait notre mémoire collective et notre aspiration à la représenter, n’a laissé personne indifférent, et au fond c’est heureux. On ne vibre que de ce qui nous touche, on ne souffre que de ce qu’on aime. Sur ces décombres, celui qui a fonction d’édile a pour mission de reconstruire. Il s’appelle Sami Kanaan, il est le perdant du 28 février, son édifice avec mécène, architecte de prestige et puits de lumière, s’est écroulé. Il a pourtant pour devoir d’imaginer un nouveau Temple. Oui, il y a dans toute cette affaire quelque chose de biblique, comme d’une Jérusalem en cendres en attente du renouveau messianique.

Groupe de travail

Lundi 20 juin, Sami Kanaan nous a donné, pour la Ville de Genève, une «feuille de route». Groupe de travail, piloté par Jacques Hainard, qui n’est pas le premier venu en matière de musées. Des gens du Louvre, pour se pencher sur la chaumière genevoise. D’autres, du Rijksmuseum. Roger Mayou, du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. Et surtout, un impératif, qui nous délivre de primauté de la pierre et de la cléricature du patrimoine: «Le futur bâtiment devra être au service du projet muséal, et pas l’inverse». Comment ne pas être d’accord?

Transfiguration

Affûté par l’imminence du solstice, un autre projet nous est sorti du bois deux jours avant, dans la Tribune de Genève. Le 18 juin, l’architecte Vincent Mangeat, l’un des meilleurs et des plus imaginatifs de notre pays, a lancé son Appel. Avec son associé Pierre Wahlen, il entrevoit l’avenir du Musée dans l’actuel parking Saint-Antoine! Avec dalles renforcées, puits de lumière (décidément, nul n’y échappe), voitures remerciées pour s’en aller gésir en d’autres tombeaux, et au fond utilisation pour une cause artistique de ce qui, au départ, avait été conçu pour un entassement de tôles. D’un coup nous passons de l’ère industrielle à celle de l’art réinventé. L’idée sera attaquée, vilipendée, comme tout ce qui touche à ce Musée, mais en soi elle est géniale. Il nous reste donc, sur les décombres du 28 février, à réinventer la vie. Cela, dans le tréfonds d’un parking comme dans la Jérusalem Céleste, porte un très beau nom: cela s’appelle une Transfiguration.