Méphisto, il est où?

Je me suis toujours battu pour un journalisme qui dise les choses, de façon simple et réelle, telles qu’elles sont. Le pouvoir, lui, d’où qu’il vienne, quelle que soit sa couleur, cherchera toujours, au contraire, à vous faire répéter, comme un perroquet, les mots incantatoires de sa propagande. Les conférences de presse, les communiqués sont les instruments dont il dispose pour imposer son vocabulaire. A tout confrère, toute consœur, je recommande circonspection et méfiance.

Ainsi, le mot à la mode: «recapitalisation». Fort laid, mais ça n’est pas le plus grave. Surtout, un euphémisme, froidement choisi par le pouvoir politique pour donner l’impression de quelque chose de bienveillant. Si on «recapitalise», c’est bien qu’on injecte de l’argent, comme une piqûre de sang nouveau, régénératrice, bienvenue. Et on réussit à positiver les choses. Nous serions le Docteur Faust, la «recapitalisation» serait notre seconde jeunesse. Mais Méphisto (ndlr: le diable), il est où?

La vérité, plus crue, c’est que tous ces milliards qu’on va mettre en quarante ans, c’est le contribuable qui va les payer. Encore lui! Cette dimension sacrificielle, pour assurer les retraites de la fonction publique, n’est guère lisible, hélas, dans le mot «recapitalisation». Dans le choix des vocables, plus la réalité est dure à encaisser, plus l’autorité nous sert des mots doux. Un peu comme la dernière cigarette d’un condamné: elle fait des volutes, pour mieux masquer la lame fatale. Méfiez-vous des mots!