PLR: les rancœurs cachées de la fusion

MARIAGE • Officiellement, la fusion de 2011 entre libéraux et radicaux est un «succès total». Dans les faits, c’est un peu différent. Comme l’atteste cette savoureuse histoire de cagnotte radicale, toujours utile pour financer une campagne.

  • L’union célébrée en grande pompe en 2011 entre libéraux et radicaux a-t-elle jamais été consommée? 123RF/KURHAN

    L’union célébrée en grande pompe en 2011 entre libéraux et radicaux a-t-elle jamais été consommée? 123RF/KURHAN

L’histoire exhume le fumet de province des romans de Balzac. Ou ceux de François Mauriac (1885-1970), qui nous raconte si bien les petits dessous cachés de cette bourgeoisie bordelaise qui l’a vu grandir. Il y a la famille, le mariage, le non-dit, l’argent. Il y a ce qu’on laisse paraître et ce qu’on cache. Il y a tout ce fatras de détails qui encombrent les destins, toutes ces petitesses, derrière les paravents de grandeur.

Trésor planqué... au cas où

En l’espèce, nous ne sommes pas en Gironde, mais à Genève. La famille n’est pas constituée d’un homme et d’une femme, mais de deux partis: elle s’appelle le PLR. Le mariage s’est déroulé en grande pompe, en mai 2011, entre le Parti libéral suisse (PLS) et le Parti radical-démocratique (PRD). A-t-il jamais été consommé?

Dans toute bonne famille, il y a des bijoux. Fragments d’héritage, auxquels on tient. On a beau faire trésor commun, on les garde pour soi, comme la prunelle de ses yeux. C’est, apparemment, ce qui est arrivé aux radicaux, lors de leurs noces avec les libéraux. La Tribune de Genève nous le révèle: on a décidé de se mettre de côté une bonne vieille cagnotte, un peu comme des joueurs de cartes, habitués d’un bistrot. On a «omis» de la verser dans le pot commun, on s’est dit qu’elle pourrait servir à soutenir le pas héroïque des grognards radicaux, dans les futures campagnes. Le pas des radicaux, oui, avec sa cadence républicaine, sa marche consulaire, ses parfums d’Empire. Et pas celui des libéraux, ces héritiers des patriciens et de la Restauration. Se marier, on veut bien, s’il le faut, mais oublier l’histoire, jamais.

Méfiance

Bref, on s’est tricoté un bas de laine, et on l’a planqué. On aurait créé un «Cercle Fazy-Favon» (ça ne s’invente pas!) servant de trésorerie pour financer des opérations électorales, tiens par exemple la campagne de 2015 autour de la loi sur la police. Illégal? Peut-être pas. Mais révélateur. La fusion, entre libéraux et radicaux, n’allait pas de soi. Les origines historiques, je pourrais vous en parler des heures, sont tellement antinomiques, la méfiance entre les états-majors est atavique, le non-dit vaut son pesant d’or. Beaucoup de militants, des deux côtés, ont loyalement joué le jeu, laissant le passé pour construire un nouveau parti. Hommage à eux. Mais pas mal d’autres, surtout dans les officines, ont continué de jouer l’ancien parti.

Quand on vous dit, depuis l’enfance, que vous êtes l’héritier des Lumières, de la Révolution, des Soldats de l’An II, des immenses figures qui ont fait la Suisse de 1848, et celle qui a suivi, vous avez peut-être un peu de peine à vous surexciter à l’idée d’un destin commun avec les fatigues patriciennes de la Vieille-Ville, celles qui encensent tant la Restauration.

Divorce? Non!

Alors, voilà, on a gardé pour soi les quelques misérables sous que, dans sa radicale sueur, on avait pu mettre de côté. On s’est dit que ça pourrait servir. On a lâché quelques pièces, en 2015, pour faire passer une loi contestée par la moitié de l’électorat. On ne demande même pas le divorce, d’ailleurs. On se dit juste qu’on va vieillir ensemble. C’est déjà quelque chose, non?