Pour la vérité, enfin, dans les Balkans

JUSTICE • Il ne s’agit pas ici de défendre le général Mladic, qui vient d’être condamné à perpétuité. Mais de considérer les orientations bien unilatérales, systématiquement anti-Serbes, des juges du Tribunal de La Haye.

  • Le mémorial et le cimetière de Srebrenica-Potocari pour les victimes du massacre de 1995. 123RF/OXANA KRUTENYUK

    Le mémorial et le cimetière de Srebrenica-Potocari pour les victimes du massacre de 1995. 123RF/OXANA KRUTENYUK

L’histoire des Balkans est, depuis plus de trente ans, donc déjà bien avant l’éclatement de l’ex-Yougoslavie (1991), l’une de mes passions. Elle est complexe, terriblement. Elle se mêle avec intimité à l’histoire des langues, des alphabets (cyrillique ou latin), des religions (catholicisme, orthodoxie, islam). Elle révèle les grandes fractures des derniers millénaires: entre l’Empire romain d’Orient et celui d’Occident, puis entre Empire ottoman et austro-hongrois.

Fragile équilibre yougoslave

Au milieu des années 1980, on sentait bien que le fragile équilibre construit par Tito, libérateur du pays en 1944-45, puis homme fort, ne tarderait pas à s’écrouler. Dès la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, les choses étaient claires: l’Allemagne d’Helmut Kohl allait provoquer la réunification, redevenir une puissance politique, donc jouer dans les Balkans (avec l’Autriche, ancienne puissance tutélaire) un rôle majeur.

La suite, on la connaît: indépendances proclamées en Croatie et en Slovénie, immédiatement soutenues par l’Allemagne et l’Autriche (1991), puis par les instances européennes; guerre sanglante et tragique en Bosnie, dans laquelle intervient l’horreur de Srebrenica, Accords de Dayton en 1995 (qui ne règlent rien devant l’histoire), puis guerre au Kosovo, avec afflux de réfugiés, en 1999.

Au cours de ces événements, le général Ratko Mladic, commandant militaire des Serbes de Bosnie, qui vient d’être condamné à perpétuité, à La Haye, par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a, assurément, commis le pire. Notamment, à Srebrenica. Cela, il ne s’agit en aucun cas de le nier. Mais cela ne doit pas nous interdire une réflexion sur les crimes commis, non seulement côté serbe, mais par l’ensemble des forces en conflit. Avez-vous entendu parler, par exemple, de l’«Opération Tempête», commise par les Croates, contre les Serbes de Krajina, au cours de l’été 1995? Oh certes, on rappellera que le TPIY a d’abord condamné son chef, le général croate Ante Gotovina, en 2011 (avant qu’il ne fût… acquitté en appel en 2012). Mais enfin, on ne peut s’empêcher de remarquer que les gens de La Haye ont montré, tout au long de son existence, davantage de zèle à pourchasser les Serbes que les autres.

Place aux historiens

Autre exemple: l’Armée de libération du Kosovo, adulée par une partie de la presse romande à la fin des années 1990, et ses exactions, notamment en matière de trafic d’organes. Face à ces gens-là, la «justice internationale» de La Haye a-t-elle montré la même inflexibilité que face aux Serbes? La réponse, clairement, est non. On nous permettra donc, sans pour autant défendre Ratko Mladic, d’émettre les plus grands doutes sur l’impartialité des juges et du Ministère public de La Haye, sur leur indépendance par rapport au camp des puissants, à commencer par l’OTAN, les Etats-Unis. Sans oublier le rôle de l’Allemagne de Helmut Kohl, qui reste à écrire. On attend énormément, dans ce domaine, des historiens. La balle est dans leur camp. A eux, au fil des années, de rétablir les équilibres, de faire enfin apparaître la vérité.