Respectons les décisions des peuples!

éLECTIONS • Trop facile d’infantiliser les électeurs, ou les faire passer pour des malades, lorsque leur décision ne nous plaît pas! Être démocrate, c’est apprendre à respecter le verdict des urnes. Pas facile. Mais indispensable!

  • Le peuple est le souverain, même s’il peut prendre de malencontreuses décisions. 123FR/ALPHASPIRIT

    Le peuple est le souverain, même s’il peut prendre de malencontreuses décisions. 123FR/ALPHASPIRIT

La démocratie, c’est le pouvoir au peuple. Non à toute la population, mais à un corps électoral, qui constitue, dans les grands moments, le suffrage universel. Dans ces rendez-vous, le destin d’un pays n’est pas confié à un seul parlement (quelques centaines de personnes, en fonction des nations), mais à des millions d’hommes et de femmes. C’est le cas pour les élections. C’est le cas, aussi, pour la démocratie directe, parfaitement ancrée dans nos traditions politiques suisses, beaucoup moins ailleurs. Ce sont des moments politiques très forts: ils engagent de vastes débats nationaux, les citoyens se sentent concernés, s’engueulent, jusque dans les repas familiaux, ils font de la politique «leur chose», c’est quelque chose de puissant.

Il n’a pas «toujours raison»

Seulement voilà. Quand le pouvoir est au peuple, il s’agit de respecter les décisions du suffrage universel. Sinon, le grand exercice démocratique ne sert à rien, et ne constitue qu’une parodie. Respecter, cela ne signifie pas que le peuple ait «toujours raison», comme l’affirme un adage fallacieux. Bien sûr que le peuple peut se tromper, et prendre, face à l’Histoire, de malencontreuses décisions! Mais il est le peuple, il est le souverain, il est l’ultime voix, et ses décisions doivent être respectées. Même si nous sommes fâchés (combien de dimanches l’ai-je été, en quarante ans de votes!), même si nous enrageons, même si un résultat nous fait désespérer de la vie politique. En politique, comme en sport, il faut savoir accepter un résultat.

Trump, Bolsonaro, Orban, Salvani ...

Apprendre à respecter la voix du peuple, c’est par exemple se passer d’insulter, ou de faire tenir pour malade, pathologiquement atteint, un corps électoral dont la décision nous déplaît. Hélas, c’est exactement cela, lors de l’élection de Donald Trump il y a deux ans, ou celle de Jair Bolsonaro, au Brésil, dimanche 28 octobre, que nous pûmes trop souvent lire, ou entendre, chez les commentateurs de la presse romande. Idem, face aux Hongrois votant pour Viktor Orban. Face aux Italiens soutenant Matteo Salvini. Face aux Autrichiens, et leur nouveau chancelier Sebastian Kurz qui dirige une coalition avec l’extrême droite. Face aux Bavarois, ou aux électeurs du Land de Hesse (région de Francfort), faisant plonger les partis traditionnels, pour en laisser d’autres émerger. Chaque fois, on peut lire que ces électeurs étaient sous influence, manipulés, qu’ils n’avaient pas compris les enjeux. Mais de quel droit, nous, à des milliers de kilomètres de ces gens, de leurs préoccupations, aurions-nous une meilleure vision de leurs intérêts supérieurs?

Paternalisme détestable

Surtout, quelle arrogance! Le commentateur de la presse romande, investi d’une vérité théologique, aurait dogmatiquement compris ce qui serait bon, ou mauvais, pour les autres peuples de la planète. Si ces derniers décident dans le bon sens (celui du commentateur!), c’est magnifique, et vive la démocratie. S’ils ont le mauvais goût de prendre la décision qui déplaît, alors on dira que leur vote aura «prospéré sur le fumier» des insatisfactions. Et que les électeurs, qui sont de grands enfants, auront été, dans leur immaturité, pris au piège de la bête immonde. Détestable paternalisme: jusqu’à quand?