Le neurofeedback quèsaco?

SANTÉ • Pour traiter les troubles de l’attention et l’hyperactivité, les spécialistes prônent une alternative à la Ritaline. On a testé.

  • Delphine Muller montre le mode d’emploi du casque à un adolescent atteint de troubles du déficit de l’attention. DR

    Delphine Muller montre le mode d’emploi du casque à un adolescent atteint de troubles du déficit de l’attention. DR

Tout commence avec des électrodes. Installée devant un écran, me voilà partie pour deux heures de tests. Objectif: détecter d’éventuels troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA-H), des soucis de sommeil ou un burn-out. Dans son cabinet de Champel, la neuropraticienne Delphine Muller supervise les opérations. «Développé aux Etats-Unis depuis les années 60, le neurofeedback a fait ses preuves même si cette technique demeure méconnue ici.» Le principe consiste à mesurer les ondes cérébrales. «Selon si l’on est en situation de relaxation, de vigilance ou d’apprentissage, on génère plus ou moins de fréquences: delta, thêta , alpha, SMR, bêta, ou haut bêta», détaille Delphine Muller.

Un entraînement personnalisé

Une fois les graphiques analysés, la neuropraticienne définit un entraînement adapté. Il ne reste plus au patient qu’à exercer son cerveau lors de sessions régulières. «Par exemple en regardant des vidéos ou en écoutant de la musique.» Le tout muni d’un casque qui permet de voir si l’on est dans la mire et qui transmet les données au cabinet. «On peut analyser les progrès et adapter les exercices si besoin», complète-t-elle.

Pour le fils de Rosa Arada, devenue l’associée de Delphine Muller, le neurofeedback a été une révélation. «Diagnostiqué TDA-H, il refusait de prendre de la Ritaline à cause des effets secondaires, explique la mère de l’adolescent. Aujourd’hui, grâce à son entraînement, il arrive à suivre en cours.»

Pour Nathalie Dugué, infirmière de 59 ans, cette technique a aussi été salutaire. «En mars 2022, je me sentais épuisée.» Son évaluation révèle un syndrome post-traumatique. «En cause: le Covid. Cela fait 3 ans que je vis cette pandémie. Je n’en peux plus!» L’entraînement, «trois fois par jour au début» lui a permis de reprendre pied, d’être plus apaisée et même de traiter son épilepsie. Le tout sans médicament.

Tel est l’objectif principal du neurofeedback: «offrir une alternative à la médication», souligne Delphine Muller. Dans le cas des TDA-H, à la Ritaline. «On sait qu’elle a des effets secondaires du type trouble de la digestion ou maux de tête», précise Tomas Ros, chercheur à l’Université de Genève (Unige) au département de neurosciences. «De plus, dans un tiers des cas, le médicament ne fonctionne pas.» Sachant que 2 à 5% de la population est atteinte de TDA-H, une personne sur 20, l’enjeu est énorme. D’où le fait que les recherches se multiplient dans le domaine. A l’image des travaux de Tomas Ros, aux côtés du professeur en psychiatrie Nader Perroud. Ou de l’équipe qui vient d’obtenir le prix de l’innovation décerné par les HUG et l’Unige pour sa classe virtuelle dont le principe repose sur le neurofeedback. Seul hic: le coût. Car, faute d’être reconnu, ce traitement n’est pas encore remboursé. Et revient, dans le privé, à 950 francs par mois.