«Le répit pour l’économie aura été de courte durée»

  • Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG). CCIG

INTERVIEW • Après deux ans de pandémie, l’économie genevoise relevait enfin la tête en ce début d’année, mais, fin février, le ciel s’est déjà assombri. Les explications de Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG):

GHI: Comment se porte l’économie genevoise?
Vincent Subilia:
On sent les milieux économiques fébriles. La situation est très anxiogène. Après le tunnel sanitaire dont on sortait tout juste, on a le sentiment d’entrer dans un nouveau, géopolitique cette fois...

– Revenons à la sortie de la crise sanitaire, les entreprises n’étaient-elles pas à genoux?
Cela a été très dur en effet mais, comme l’a montré l’étude menée par la CCIG et la Banque cantonale de Genève, les entrepreneurs genevois ont fait preuve de résilience et d’agilité. En s’appuyant notamment sur l’un des piliers de notre économie, à savoir le commerce extérieur. Début 2022, le moral des entrepreneurs était à la hausse et ils pouvaient enfin envisager l’avenir sereinement.

– Quand la guerre en Ukraine a éclaté...
En effet, l’embellie aura été de courte durée. On pensait pouvoir enfin reprendre notre souffle quand les tensions à l’est de l’Europe, suivies de l’invasion russe – contre toute logique– ont fait s’abattre un rideau de fer, dont l’impact sur notre économie est conséquent.

– Quelles sont les conséquences?
Le train de sanctions infligées à la Russie a des conséquences directes sur l’économie suisse et notamment genevoise. Le premier effet concerne les activités suisses en Russie. La Suisse fait en effet partie des dix premiers investisseurs en Russie. Profitant de l’émergence d’une classe moyenne ayant accès à des produits de forte valeur ajoutée, les entreprises suisses se sont déployées sur le territoire russe. Aujourd’hui, le risque est qu’elles ne puissent plus financer leur activité industrielle. Le Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication ) est une arme à double tranchant. Désormais se pose la question: comment les entreprises suisses actives en Russie vont pouvoir payer leurs factures?

– Et ici?
C’est l’effet miroir. Les difficultés vont être fortes pour les entreprises suisses qui commercent avec la Russie. Genève est la place de référence pour les matières premières, telles que le grain ou les hydrocarbures. Si nous ne pouvons plus financer ces transactions, certains acteurs économiques genevois risquent d’en faire les frais. L’effet pourrait se faire sentir sur le prix du carburant mais aussi de la baguette, soit jusque dans le panier de la ménagère.

– Quid des effets sur les exportations et le tourisme?
Dans le contexte actuel, c’est toute une clientèle russe à laquelle les entreprises n’auront plus accès. C’est aussi valable pour le tourisme russe qui est au point mort. Et pour les avoirs russes en Suisse. Parmi les conséquences déjà visibles, on peut citer les 140 emplois de Nord Stream, basé à Zoug, qui sont passés à la trappe.

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