Les feuilles mortes n’ont jamais été aussi en retard

NATURE • Contrairement aux années précédentes, les arbres ont laissé tomber leurs feuilles avec quelques semaines de décalage. Explications.

  • En raison du changement climatique, les feuilles mortes jouent les prolongations. TR

    En raison du changement climatique, les feuilles mortes jouent les prolongations. TR

NATURE • «Nous sommes fin novembre et les arbres se croient encore à la fin de l’été. Il n’y a plus de saison», déplore Samuel, affairé à ratisser la pelouse de sa maison, à Veyrier. En cause, la chute tardive des feuilles mortes cette année, qui contraint le retraité à prolonger la saison de ramassage. De mémoire, jamais l’octogénaire n’avait assisté à un tel phénomène. «Déjà qu’il n’y a plus de neige en hiver, bientôt on n’aura plus de feuilles en automne. C’est vraiment flippant», s’inquiète-t-il.

Un retard également observé par le Département des finances, de l’environnement et du logement en Ville de Genève qui comprend le Service des espaces verts (SEVE). «Nous constatons des retards comme ceux-ci depuis près de quinze ans. Cette année, il est particulièrement fort. D’habitude, les feuilles tombent en octobre», confirme Anna Vaucher, collaboratrice personnelle du conseiller administratif Alfonso Gomez.

Sécheresse

En cause: la sécheresse de cet été notamment. «Le manque d’eau a fait souffrir les arbres. Lorsque la pluie est revenue, le climat était encore trop doux. Ces deux anomalies ont favorisé la réhydratation des arbres, dont certains ont même refait des feuilles. Pour eux, c’était comme un petit printemps. D’où le retard actuel», détaille Anne Vaucher. Pointant le réchauffement climatique, le Département estime qu’il faut agir. «Ces anomalies nécessitent des moyens toujours plus importants pour protéger ce patrimoine indispensable dans notre lutte pour le climat», ajoute Alfonso Gomez.

Autre gros «producteur» de feuilles mortes, le Jardin botanique de Genève partage le même constat. «Cet été, certains arbres ont perdu leurs feuilles de manière précoce, ce qui leur a permis de diminuer leur transpiration et de stopper leur croissance pour ne pas mourir de soif», analyse Pascale Steinmann, adjointe du jardinier chef.

Essentielles à l’équilibre

Pas de quoi perturber l’organisation de l’institution: comme le fait la Ville de Genève, le Jardin botanique ne ramasse qu’une partie des feuilles mortes, rappelant qu’elles sont essentielles à l’équilibre naturel. «Nous préférons laisser les feuilles tranquilles sous la couronne des arbres, ce qui permet de recycler les constituants de leur matière. Aujourd’hui, il n’est plus recommandé de les ramasser systématiquement», explique le Jardin botanique, qui récupère le surplus pour en faire du compost.

Au grand dam de Samuel, qui appréciait particulièrement cette activité. «Ça me détendait et me permettait de réfléchir, tout en étant dans la nature. Mais si c’est justement pour préserver cette nature qui se dérègle sous nos yeux, alors je suis prêt à renoncer», affirme le Veyrite. TR