Les gays se passent la bague au doigt

A partir du 1er juillet, les couples homosexuels peuvent se marier. 21 célébrations sont déjà agendées dans les trois prochains mois. Parmi eux, Marc et Jesus. Rencontre. Depuis le 1er janvier, il est aussi possible de changer de nom et de sexe. Premier bilan en Ville de Genève.

  • Marc et Jesus forment l’un des huit couples qui va se marier en juillet en Ville de Genève. Stéphane Chollet

  • Marc et Jesus forment l’un des huit couples qui va se marier en juillet en Ville de Genève.

    La conseillère administrative chargée de la Cohésion sociale, Christina Kitsos dans la salle des mariages. MP

Main dans la main, Marc et Jesus s’apprêtent à passer le cap. Le 19 juillet, ce couple gay va se marier. Pour la photo, tous deux avancent en direction de l’entrée de l’état civil en entonnant un air célèbre de marche nuptiale. Dans quelques jours, ils franchiront le seuil pour de bon et deviendront, dans la foulée, l’un des premiers couples mariés homosexuels genevois. Et ce grâce à la nouvelle loi consécutive à la votation du 26 septembre 2021 qui entre en vigueur le 1er juillet.

«Notre objectif est d’adopter. Grâce au mariage, on va enfin pouvoir le faire en tant que couple», explique Marc. Et, ils n’ont pas de temps à perdre. «En Suisse, il n’est pas possible d’adopter un enfant ayant plus de 45 ans de différence avec ses parents. J’en ai 48… Plus on attend, plus l’enfant sera âgé.» Autre avantage du mariage par rapport au partenariat qui les lie déjà depuis 2017, Jesus, costaricien d’origine, pourra bénéficier d’une naturalisation facilitée au bout de cinq ans de résidence en Suisse.

Pour la cérémonie, rien de clinquant. Ce sera en comité restreint, dans la salle des mariages de l’état civil, aux Eaux-Vives. «Même si on ne prévoit pas un grand mariage, étant donné qu’on a déjà fait la fête pour le partenariat, c’est un événement qui s’inscrit dans l’histoire de notre couple, de notre future famille. On le racontera à notre enfant.»

Les alliances, très jolies, devraient rester les mêmes. «Les bijoutiers ne nous proposaient que des packs pour Monsieur et Madame. On a fini par acheter celles-ci à la bijouterie d’une grand surface. Pour 17 francs! Certains couples paient des anneaux très cher et se séparent quelques mois plus tard. C’est peut-être inversement proportionnel dans notre cas. Qui sait?», lance le duo, amusé.

D’un point de vue administratif, le couple a opté pour une conversion de leur partenariat plutôt que pour un mariage tout blanc tout neuf. «Cela implique qu’ils ne peuvent pas changer de nom et n’auront pas d’acte de mariage à proprement parler, explique Laure Da Broi, la cheffe de service de l’état civil de la Ville de Genève. En revanche, avec la conversion, les années de partenariat sont reconnues comme années de mariage. De plus, la procédure peut aller très vite. Un simple passage au guichet suffit, mais il peut aussi y avoir une cérémonie.» Comme ce sera le cas pour Marc et Jesus.

Pour se décider, ils ont bénéficié des informations prodiguées par le personnel de l’état civil, composé de 34 collaborateurs. Selon Laure Da Broi, «tous ont reçu une formation pour pouvoir répondre aux nombreuses questions liées à ce grand changement».

«Le mariage devient enfin égalitaire»

Un changement que la conseillère administrative de tutelle chargée de la Cohésion sociale, Christina Kitsos salue avec enthousiasme: «L’institution du mariage devient enfin égalitaire. Toutes et tous peuvent bénéficier des mêmes droits. Qui plus est, cela ouvre aussi le droit à l’adoption. La famille est enfin reconnue dans toute sa diversité.»

Rappelant que le taux de suicide est 2 à 5 fois plus élevé chez les jeunes non hétérosexuels et qu’il double encore chez les personnes trans, Christina Kitsos ajoute: «Je formule l’espoir que ce changement de société contribue à faire baisser ce taux et permette aux jeunes de se sentir libres.»

Car, aux yeux de la magistrate socialiste, «c’est un message d’émancipation délivré aux jeunes. Plus il y aura de mariages LGBTQ+, plus les mentalités vont évoluer. Et plus ces jeunes vont pouvoir s’identifier, parler plus librement de leur orientation sexuelle, de leurs questionnements sur le genre.» D’autant qu’à l’arrivée du mariage pour tous s’ajoute depuis le 1er janvier la possibilité de changer de nom et de genre (lire encadré).

Trois célébrations le 1er juillet

Coté chiffres, en Ville de Genève, ils sont une trentaine de couples à avoir entamé les démarches. En date du lundi 27 juin, 11 couples ont agendé leurs mariages dans les trois prochains mois. Par ailleurs, 22 dossiers sont en attente. «Il y a plus de couples d’hommes que de femmes», stipule Laure Da Broi, affirmant que c’était déjà le cas des partenariats.

Au niveau du Canton, 38 demandes de mariage ont été officiellement déposées. S’ajoutent 44 demandes de conversion. Quant aux célébrations agendées dans les trois prochains mois (mariages et conversions de partenariat confondus), on en compte 21 dont trois le 1er juillet. Ou encore celle de Marc et Jesus le 19. Laurent Paoliello, porte-parole du Département de la sécurité, de la population et de la santé précise qu’«il n’est pas possible de réserver une date de cérémonie pour un mariage avant la clôture de la procédure préparatoire, laquelle ouvre un délai de 3 mois pour célébrer l’événement». Enfin, il est à noter que le partenariat disparaît.

Au point que même la salle des cérémonies de mariage et de partenariat voit son nom officiel écourté. A l’image des formulaires fédéraux qui perdent toute notion de Monsieur et Madame au profit de «personne 1 et personne 2». Reste le baiser!

32 changements de sexe et de prénom

MP • Trente-deux, c’est le nombre de personnes ayant décidé de changer de sexe et de prénom depuis le début de l’année 2022 en Ville de Genève. Depuis le 1er janvier, «les personnes transgenres ou présentant une variation du développement sexuel peuvent faire modifier rapidement et simplement les indications concernant leur sexe et leur prénom dans le registre de l’état civil. Il leur suffit de faire une déclaration à l’office de l’état civil. Aucun examen médical préalable n’est requis, aucune autre condition ne doit être remplie», précise l’Office fédéral de la justice.

C’est ainsi qu’en Ville, 32 personnes ont opéré ce changement, dont la moitié en janvier. 15 hommes sont ainsi devenus des femmes aux yeux de l’état civil et 17 femmes, des hommes. La personne la plus jeûne est âgée de 10 ans. La plus vieille de 68 ans. Six sont mineures. A noter que l’accord des parents est nécessaire jusqu’à 16 ans.