Ludothèques ouvertes le samedi, ça joue!

Les «centres de prêt de jouets et de jeux» de la Ville de Genève organisent des portes ouvertes le 30 avril. Désormais, ces lieux seront ouverts le samedi matin. Reportage dans cet univers pensé pour les enfants. Après la polémique sur la soirée en mixité choisie au Petit-Saconnex, pas d’autre événement «filles» en vue.

  • La ludothèque 1-2-3…Planète! se réjouit d’accueillir les familles le samedi matin. STéPHANE CHOLLET

    La ludothèque 1-2-3…Planète! se réjouit d’accueillir les familles le samedi matin. STÉPHANE CHOLLET

Plus de 1500 jeux disponibles. C’est ce que propose la ludothèque 1-2-3…Planète!, située dans le quartier des Charmilles. De quoi faire briller les yeux de Yaseen et de ses copains, assis autour d’une table. Ici, il y en a pour tous les goûts, allant du jeu de plateau à la poupée, en passant par un baby-foot et même quelques jeux vidéo. Dans une atmosphère joyeuse, les enfants du quartier passent d’une activité à l’autre, encadrés par Benjamin, un ludothécaire mélomane. Après une journée d’école, on rigole. On s’éveille aussi grâce à des jeux destinés aux plus jeunes.

Grande nouveauté: les ludothèques vont prochainement élargir leurs horaires d’ouverture au samedi matin pour les familles. Pour faire découvrir les facettes de cette offre, une journée portes ouvertes est prévue samedi 30 avril dans les douze ludos de la Ville de Genève. Au programme: des animations, des ateliers, des spectacles et même un loto.

«Chaque structure a retenu plusieurs thèmes. Ce sera l’occasion pour le public de découvrir ce qu’on fait dans les ludothèques de la Ville», se réjouit Véronique Zbinden, présidente de la Ludo 1-2-3…Planète! Aux Charmilles, les animations tourneront autour des Playmobil et du graffiti. Une partie musicale sera aussi assurée par Benjamin et sa guitare. Il en profite pour nous faire découvrir en avant-première ce lieu, véritable caverne d’Ali Baba.

Approche bienveillante

D’emblée, accrochée au plafond, une banderole invite à délaisser son téléphone portable. «Nous cherchons à favoriser le jeu entre les parents et leurs enfants. En limitant l’utilisation du natel, cela développe la socialisation et le lien», explique Benjamin, qui a suivi une formation au Centre d’études et de formation continue (CEFOC) pour devenir ludothécaire. «Ici, ce n’est pas l’école! Nous faisons de l’accueil libre. Les enfants ne sont pas obligés d’être là. Résultat: l’atmosphère à l’intérieur de ces murs est détendue, ce qui permet de développer une certaine complicité», poursuit le trentenaire. Le ton est donné. Avec une approche bienveillante, le ludothécaire écoute les plus jeunes et leur prodigue des conseils.

Mais comment faire un choix, face à la montagne de jeux disponibles? «Ils sont classés d’après la théorie de Jean Piaget, le célèbre psychologue genevois. Cela va des jouets destinés à l’éveil “sensori-moteur” pour les petits de 0 à 4 ans, à des jeux plus élaborés pour les grands», détaille Benjamin, en parcourant les rangées de boîtes colorées. Tout en longueur, l’endroit peut accueillir jusqu’à 80 personnes avant de limiter les entrées, ce qui se produit régulièrement. «Notre choix de jeux est énorme et nous allons souvent acheter des nouveaux jouets. Parfois à double, de sorte à éviter les conflits», sourit Benjamin.

Jouets genrés

Autre préoccupation: le caractère genré de certains jeux. «L’industrie produit de nombreux jouets spécifiquement destinés aux filles ou aux garçons. Au moment d’acheter, c’est une question que l’on se pose. Nous sommes attentifs aux jeux proposés, afin qu’ils soient destinés à tous, filles ou garçons, enfants ou adultes, de sorte à éviter les clichés», informe notre guide, qui garde un œil attentif sur les enfants. Un sujet qui résonne avec la récente polémique liée à l’organisation d’une soirée en «mixité choisie, sans hommes cisgenres» à la ludothèque du Petit-Saconnex, finalement annulée. «Ce n’est pas quelque chose que nous faisons dans notre ludothèque. Et ce n’est pas dans nos projets», commente sobrement Véronique Zbinden.

Une question qui ne touche guère les jeunes présents. Yaseen est concentré avec quelques amis, filles et garçons, autour d’un jeu. L’adolescent âgé de 14 ans accepte tout de même de lever la tête quelques instants. «Je viens souvent ici en groupe, et j’aime beaucoup cet endroit», raconte cet habitant du quartier. Lui et ses amis optent souvent pour Wazabi, le célèbre jeu de dé. «Il y a toujours des copains différents. Ici je peux jouer avec tout le monde», conclut Yaseen, tout sourire, avant de reprendre sa partie.

«On atteint près de 170’000 visites par an»

 Trois questions à Christina Kitsos, conseillère administrative de la Ville de Genève chargée de la Cohésion sociale.

– Pourquoi élargir les horaires des ludothèques au samedi matin?
En raison de leur succès! Avec près de 170’000 visites par an, il s’agit d’une réussite réjouissante. Pour les familles, les ludothèques sont très souvent un espace privilégié d’intégration et de rencontres avec d’autres familles. C’est la marque d’une Ville qui entend faire de la cohésion sociale, dans les quartiers, une véritable priorité. Ce succès, c’est aussi celui des ludothècaires qui ont fourni un immense travail pendant la pandémie.

– Le jeu, c’est un peu futile, non?
Absolument pas. Jouer est essentiel pour les enfants, incontournable, et pour tout dire, aussi important que manger ou dormir. C’est tellement vrai et reconnu par les spécialistes de l’enfance que c’est inscrit au cœur même de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Grâce au jeu, l’enfant construit son estime de soi, prend conscience de ses limites et renforce son autonomie, sa sécurité intérieure, son ouverture aux autres et au monde.

– Qu’en est-il des soirées en «mixité choisie», soit réservées aux filles? Y’en aura-t-il encore?
A ma connaissance, il n’y en a pas de prévues. Une soirée de ce type organisée spécialement pour des jeunes filles qui souhaitaient rester entre elles ne doit pas faire oublier que, fondamentalement, l’offre de jeux et d’animations des ludothèques est gratuite et ouverte largement. Des rencontres spéciales ciblent, parfois, en soirée, les adultes ou les parents et leurs ados. Il y a aussi des rencontres organisées pour des personnes âgées d’un EMS voisin d’une ludothèque ou pour des enfants autistes.