Maudet: «On n’a pas assez tiré les enseignements du Covid»

ELECTIONS 2023 • En lice pour revenir au Conseil d’Etat, Pierre Maudet détaille son programme, sa liste et revient sur la possibilité de retrouver ses anciens collègues. Interview exclusive.

  • Le «nouveau Maudet», sans barbe et sans cravate, s’est lancé dans la campagne. DR

    Le «nouveau Maudet», sans barbe et sans cravate, s’est lancé dans la campagne. DR

Il est rasé de près. En lice pour le Conseil d’Etat, Pierre Maudet a laissé tomber la barbe ainsi que la cravate. Stands, Nuit de la longeole et débats dans les restaurants et librairie, le «nouveau Maudet» est bien décidé à laisser ses démêlés judiciaires derrière lui et à aller de l’avant. Au lendemain du dépôt des listes (lire aussi l’édito en page 3), interview de l’ex-conseiller d’Etat désireux de faire son retour.

GHI: Ce n’est de loin pas votre première campagne, comment ça se passe? Pierre Maudet: Pour la première fois, je fais une campagne différente. Par la force des choses! La dernière fois (ndlr: l’élection complémentaire de 2021), j’étais conseiller d’Etat. Là, je n’ai aucun mandat et je suis totalement libre. Qui plus est, j’ai un travail à côté. Ce n’est pas facile de combiner l’activité professionnelle et la campagne. De manière générale, je trouve frappant de voir qu’il y a d’un côté un microcosme politique, qui se réunit place du Molard et de l’autre, le reste de la population.

– Ce microcosme, vous en avez longtemps fait partie! Ça, c’est le passé. Je regarde tout ça dans le rétroviseur.

– Un tout «nouveau» Pierre Maudet à vous entendre. En quoi est-ce le cas? Pas «tout nouveau», il ne faut pas exagérer. On sait quel est mon bilan, mon parcours. Je connais très bien l’administration. Je sais ce qu’on peut faire, ne pas faire. Je sais aussi quel courage cela demande de s’attaquer à des dossiers compliqués. Mais, ce qui est nouveau c’est que je suis passé par la case du privé, que je redémarre de zéro, en revendiquant un certain nombre d’erreurs et en les assumant.

– Quel regard portez-vous sur l’exécutif actuel? En quittant le Conseil d’Etat, je me suis fait la promesse de ne jamais dire du mal de ce que font ou ne font pas mes anciens collègues, car je sais la difficulté de la fonction. Reste qu’à l’époque, j’étais soi-disant la source de tous les maux du Conseil d’Etat. Ma disparition allait permettre au collège de mieux fonctionner et de faire avancer les dossiers... Aux Genevois de dire si c’est ce qu’ils ont constaté.

– Si vous êtes élu, vous risquez fort de retrouver d’anciens collègues. Ça s’annonce compliqué. Non? Mais, c’est le jeu de la démocratie. Dans le système suisse, les collègues ne se choisissent pas. Ils sont élus par le peuple et doivent travailler ensemble. Pour ce gouvernement en particulier, il y a eu deux ans compliqués. On ne va pas au Conseil d’Etat avec l’envie de travailler avec untel ou tel autre, mais avec l’envie de faire avancer les sujets pour les Genevois. Ce n’est pas une amicale de boulistes!

– Quelles sont vos chances? Je ne pratique pas l’art divinatoire. Si on se lance dans la course, c’est pour gagner. Cela dit, une bonne campagne, c’est sentir qu’on est en phase avec les préoccupations de la population. On rencontre des gens. Ils vous apprennent des choses. C’est passionnant.

– On dit votre liste inexpérimentée voire faible. Que répondez-vous à cette critique? Qui dit qu’elle est faible? Des commentateurs bien intentionnés? J’ai la chance de travailler avec une liste dont la majorité n’a jamais fait ça, cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas le sens politique. Cela nous emmène dans des endroits différents, avec des approches nouvelles. Là où ce n’est pas déterminant de connaître par cœur l’ensemble des conseillers d’Etat du XXe siècle. Et puis ça prouve qu’on est peu de chose en politique. Ça devrait pousser à l’humilité.

– En quoi l’approche est-elle nouvelle? Notre force, c’est une liste de gens qui sont ancrés dans la réalité. Notre démarche, qui pour le coup est dans mon ADN, est une approche pragmatique. On part de l’expérience du terrain, vécue par les candidats, on propose des solutions potentielles et on essaie de les inscrire dans une vision à plus long terme.

– Ainsi est né votre programme? Quels en sont les points principaux? Ce n’est pas un programme classique, on ne fait pas de promesses irréalisables. On n’est pas dans le yakafokon. On a ciblé des projets concrets réalisables, en tout cas pour leur première étape, sur cinq ans, comme la caisse maladie cantonale publique. L’un des éléments fondamentaux, c’est qu’on n’a pas assez tiré les enseignements de la période Covid. Ce qui est ressorti par exemple, c’est que l’administration avec un grand A apparaît comme bloquante pour beaucoup d’entrepreneurs. D’où notre proposition de replacer la notion de service public au cœur du processus. Ainsi, dans tous les domaines d’activité où l’Etat délivre une autorisation, une concession, un permis, on propose de fixer avec les acteurs de la branche au préalable un nombre de jours limités au-delà duquel, si le permis n’a pas été remis, il est réputé délivré.

– Quels autres enseignements n’ont pas été tirés selon vous? La digitalisation de notre société est un enjeu important. Si on avait une cartographie numérique des entreprises, on pourrait agir de manière beaucoup plus efficace en cas de crise. Autre exemple: la conversion de bureaux en logements. Je travaille à Meyrin, dans un immeuble commercial. Là, l’Hospice général a converti trois étages pour accueillir les Ukrainiens. Donc, c’est possible!
Idem, face à l’augmentation massive des tarifs de l’électricité. Les boulangers m’expliquent que s’ils éteignent leurs fours, ils vont perdre en qualité et que, cela fait des années qu’ils aimeraient pouvoir mettre sur pied un système avec le propriétaire de l’immeuble pour que la chaleur puisse être réinjectée dans les logements. Mais, rien ne se fait. Pourquoi attendre qu’il y ait une crise pour trouver des solutions!