Mémoire secrète de parfums

FRAGRANCES • D’un simple effluve peut naître une réminiscence... Quelques notes de parfum qui font, par le pouvoir de la mémoire olfactive, notre madeleine de Proust à nous.

  • Le parfum habille notre intimité. 123RF

    Le parfum habille notre intimité. 123RF

Il existe un lien puissant entre mémoire et odorat, une chimie mystérieuse entre parfum et peau qui crée des notes dont l’attrait ou le rejet dépendent de nos souvenirs olfactifs et des émotions ancrées dans notre inconscient. Madeleine de Proust, en présence d’une même fragrance, chacun ressent sa propre émotion.

Parfum de mémoire

L’odorat est notre sens le plus sensible et le plus intime. La science l’explique par la connexion directe entre odorat et cerveau. Quand nous respirons, le système limbique, centre des émotions et de la mémoire à long terme, traite une odeur de manière très personnelle: elle est perçue comme bonne ou mauvaise en fonction de la bibliothèque olfactive que notre cerveau s’est créée depuis notre naissance. Souvenir d’une touche de réglisse la main dans les bonbons, odeurs maternelles et rassurantes, empreinte musquée d’un amour d’antan… mille et une fragrances stockées à l’abri des mots et dans lesquelles notre cerveau puise en permanence: plus l’émotion est vive, mieux l’odeur est acquise, et il suffit de la (re)sentir pour être submergé. Cette bibliothèque permet aussi au parfumeur de créer un bouquet que notre cerveau s’appropriera.

Obscur objet du désir

Dans notre rencontre avec l’autre, le parfum joue un rôle capital car il habille notre intimité, ne racontant de nous que ce que nous avons envie de dévoiler aux autres. Lové dans notre sphère intime, notre zone de parfumage, il ne se respire que de très près. Notes, geste et intensité se choisissent donc en fonction de nos émotions et de nos envies. Une eau de toilette sera plus légère qu’une eau de parfum, un spray plus volatil qu’un extrait posé au cabochon. Les notes poudrées de bois, d’ambre, de vanille, de résine et d’épices nous habillent de sensualité. Les notes chyprées de bergamote, patchouli, vétiver, santal ou de baies roses sont chaleureuses et douces alors que les notes florales de rose, de violette, d’orchidée, de fruits ou de musc expriment romantisme et féminité. Quant au parfumage, quelques gouttes de parfum au creux du cou, de la nuque et de l’oreille, points chauds du corps, subliment les notes de cœur alors que se parfumer le creux des coudes, des poignets, des cuisses et des genoux distille à notre suite le délicat sillage olfactif qui nous rendra inoubliable.

«Avant, les femmes se parfumaient au cabochon, un cérémonial intime qu’elles effectuaient en dehors des regards. Le spray a éloigné le parfum du corps, et le parfum y a perdu sa dimension sacrée.» Jean-Claude Ellena, parfumeur Hermès.