Morbide, le nécrotourisme?

Les voyageurs sont de plus en plus attirés vers les cimetières, souvent insolites. Tour d’horizon à l’occasion de la Toussaint et de la fête des morts.

  • Le cimetière du monastère irlandais de Clonmacnoise, fondé en 544.

    Le cimetière du monastère irlandais de Clonmacnoise, fondé en 544.

  • Au Mexique, un rapport à la mort pour le moins coloré.

    Au Mexique, un rapport à la mort pour le moins coloré.

  • A Qeqertarsuaq (Groenland), les conditions imposent des sépultures hors sol

  • A Qeqertarsuaq (Groenland), les conditions imposent des sépultures hors sol.

    Cimetière militaire au pont de la Rivière Kwaï. (Thaïlande).

  • A Paris, la tombe d’Edith Piaf fait l’objet d’une dévotion permanente.

  • A Qeqertarsuaq (Groenland), les conditions imposent des sépultures hors sol

«Voilà, on l’a trouvée!» Linda saisit un kleenex et s’éponge le visage. Une larme, peut-être… de la sueur, sans doute: il fait 39° au cimetière militaire de Kanchanaburi, à 126 km de Bangkok, là où les Japonais avaient forcé l’édification du légendaire pont de la rivière Kwaï.

La vieille dame et son compagnon se sont arrêtés devant une pierre tombale qu’ils viennent d’identifier. «C’est mon frère aîné Charles-Edward. Nous nous sommes toujours dit que nous viendrions un jour nous recueillir sur sa tombe.»

Récupéré par le tourisme, jouxtant la jungle, le site dramatique de la rivière Kwaï revêt aujourd’hui des allures de camp de vacances. On y vient aussi pour s’acheter des pacotilles dans les boutiques alentour ou pour profiter des guest houses très avantageuses installées au bord de l’eau.

Jardins du souvenir

Si les tombes souterraines de la Vallée des rois ou les catacombes romaines fascinent par leur intérêt esthétique et archéologique, certaines sépultures contemporaines sont devenues hautement instagrammables. D’Elvis aux Kennedy, les tombes de stars séduisent les amateurs de selfies, entre autres au Père-Lachaise, populaire attraction parisienne (lire encadré). On y traque les stèles de Molière, La Fontaine ou Chopin… mais aussi celle d’un Jim Morrison encore plus sulfureux mort que vivant.

Il y a aussi les cimetières auxquels les conditions naturelles locales n’autorisent pas l’inhumation traditionnelle. Le fait que la terre soit trop chaude ou trop froide impose aux habitants de zones géothermiques comme à ceux de la banquise les mêmes aménagements hors sol. Le village néozélandais de Whakarewarewa est bâti sur une mince croûte de silice, tel un couvercle fragile sur une marmite en ébullition. Même contrainte, mais par température opposée, dans la froidure groenlandaise. A Qeqertarsuaq, les sépultures sont alignées à même le pergélisol, sous des monceaux de fleurs artificielles.

Tourisme de niche

Pour notre compatriote Sarah Balimann, signataire d’une thèse sur le nécrotourisme, il ne faut pas occulter d’autres motivations: «Les visiteurs peuvent être séduits par l’art romantique – certains monuments du Père-Lachaise sont signés Bartholdi, Bartholomé, Chapu – ou par la fraîcheur d’un écrin de verdure. La tendance des voyages originaux et personnalisés encourage ce marché marginal, visant les amateurs de destinations insolites ou de nouvelles sensations.»

Que viva la fiesta!

BP • Au Mexique, le Dia de los muertos se distingue de nos célébrations par son caractère festif. Les traditions s’observent généralement le 31 octobre, voire, dans certaines communautés indigènes, entre le 25 octobre et le 3 novembre. Les autochtones profitent de la période de la Toussaint pour nettoyer leurs tombes et préparer des présents (fleurs et nourriture). On vénère d’abord les angelitos (enfants décédés), auxquels est dédié un goûter sur piédestal. C'est ensuite pour les défunts adultes que de nouvelles offrandes sont déposées sur les autels.

Quant à la Catrina – personnage allégorique populaire de la culture locale –, elle est omniprésente dans les boutiques d’artisanat. Il s'agit d'un squelette féminin richement vêtu et généralement chapeauté.

Paris, destination propice au nécrotourisme

Y aller
Proche de nous, Paris est une destination propice au nécrotourisme. La capitale compte au total 14 cimetières sur d’importantes surfaces (de 11 à 44 hectares pour les trois plus grands). Arborés et fleuris, ils sont aussi les témoins paisibles de l’incroyable vie culturelle de la ville Lumière. Nombreuses liaisons ferroviaires quotidiennes au départ de la Suisse romande. www.tgv-lyria.com

Visiter
Le terme de «catacombe» est impropre à Paris. Ses souterrains n’ont jamais servi de sépulture directe. Ils n’ont pas non plus de caractère sacré. L’Ossuaire municipal – sans doute le plus grand du monde – ne date «que» de la fin du XVIIIe siècle, lorsque de grands problèmes de salubrité imposent un transfert hygiénique du contenu des cimetières. Les autorités choisissent alors un site facile d’accès: d’anciennes carrières creusées sous la plaine de Montrouge.
www.catacombes.paris.fr

Lire
«Paris-cimetières», d’Edward Falip (Ed. Wentworth Press)