Sous la loupe: Liesse populaire

  • ©OLIVIER JAQUET

Eh bien, mes amis, quelle fête! Quatre jours durant, la Rade était à nous. Des concerts, des foodtruck, des shows aériens… De mémoire de Genevoise, je n’avais jamais vu ça. Quel pied de pouvoir aller d’un côté à l’autre du lac ainsi! Quelle sensation grisante de se réapproprier un espace habituellement propriété exclusive des voitures! Si bien que je me suis demandé par quel prodige on avait réussi à opérer une si violente entorse à l’orthodoxie du véhicule motorisé et à vexer, quatre jours sur trois cent soixante-cinq, nos camarades à volant.

Une telle prise de pouvoir sur la ville semblait surprenante. Mais un ami musicien m’a glissé l’explication, un peu aigre: «C’est parce que c’est pas la culture qui organise, mais la sécurité.» Ah, ben oui. D’ailleurs, j’avais jamais vu autant de policiers dans les rues de Genève, et pourtant j’ai fait le G8. Alors ça a fait sens: c’était une parade militaire. Les drones, les paniers à salades, les barrières et les gendarmes. Une démonstration de force sous forme de fête, à la gloire de nos conseillers en charge. Payé en grande partie par des partenaires privés, parce qu’imaginez un peu qu’on se soit amusés aux frais des contribuables – non, nos impôts sont là pour financer les prisons. Bref, une fête de droite, et par conséquent, bénéficiant d’une totale marge de manœuvre.

Mais, est-ce qu’on va bouder son plaisir pour autant? Bien sûr que non. C’était bonnard, franchement. Le show aérien m’est un peu passé à côté, j’avais l’impression d’assister à la première fois où des gens ont vu actionner l’électricité pour allumer la lumière. Mais, même ça c’était romantique, ces exclamations, les ohhhh et les ahhh. Un moment un peu historique et indéniablement populaire. Donc bravo, Marie Barbey-Chappuis et Mauro Poggia, pour ce Feu ô Lac, et n’oubliez pas de rendre la pareille quand ce sera le tour de l’autre bord.