Aux orties, nos libertés individuelles?

Les Suisses sont un peuple adulte et vacciné. Au nom d’un impératif supérieur, nous acceptons des restrictions considérables à nos libertés dues au coronavirus! Mais cela doit être provisoire. Et cesser sans tarder.

  • Etre libres à nouveau d’occuper l’espace public, sans aucune restriction. 123RF/FREDERIC CEREZ

    Etre libres à nouveau d’occuper l’espace public, sans aucune restriction. 123RF/FREDERIC CEREZ

Vous avez remarqué? A quel point, depuis la crise du coronavirus, nous nous sommes tous habitués à la disparition – certes provisoire – de libertés individuelles qui nous semblaient encore fondamentales, il y a trois mois! La liberté de sortir de chez nous. Celle de nous déplacer, aller où bon nous semble. Celle de nous réunir. Celle de fréquenter des cercles, des sociétés. Il y a, bien sûr, à cette accoutumance, un aspect positif: nous sommes, en Suisse, des gens raisonnables.

Raisonnables et responsables

Nous appliquons les consignes, parce que nous comprenons bien qu’elles sont là au nom d’un intérêt supérieur, la santé publique, et non pour nous embêter. Nous nous comportons en adultes. De son côté, le Conseil fédéral nous traite comme tels, faisant confiance à notre responsabilité individuelle, et du coup décrétant des mesures moins draconiennes qu’en France, ou en Italie. On notera tout de même que dans ces deux derniers pays aussi, où la vie en période de coronavirus est plus dure, l’immense majorité des habitants se plie aux consignes.

Faut-il en conclure que ces fameuses libertés seraient superflues? Bien sûr que non! Elles sont une lente et progressive conquête de nos ancêtres. Avec des moments de forte poussée, comme les années autour de la Révolution française (y compris en Suisse romande), des repères dans notre histoire. La liberté d’association, qui semble aujourd’hui couler de source, celle de se réunir en partis politiques, en syndicats, celle d’exercer librement une profession, doivent beaucoup à cette période-là, puis à tous les combats du XIXe siècle. Si nous acceptons de renoncer à certaines d’entre elles, c’est évidemment parce que c’est provisoire, et qu’un impératif supérieur, celui de la santé, y préside.

Restaurer et vite

C’est provisoire. Eh bien justement, il est temps de penser à une restauration rapide de nos libertés. Dans notre démocratie suisse, le personnage principal, c’est la citoyenne, le citoyen. Ça n’est pas l’élu. Et c’est encore moins le haut fonctionnaire d’un office fédéral. Le pouvoir énorme conféré à ce dernier, c’est dans des limites très précises, de temps et d’action, qu’il doit s’exercer. Nos exécutifs, tant le Conseil fédéral que le Conseil d’Etat genevois, ont plutôt bien géré la crise. Tant Alain Berset, à Berne, qu’Antonio Hodgers, à Genève, ont su trouver les tonalités pour parler à des citoyens et des adultes. A noter que le président de la République française Emmanuel Macron les a aussi trouvées, mais que son crédit auprès de la population française n’est de loin pas celui de nos autorités suisses. Preuve que la communication ne fait pas tout: elle doit aller de pair avec la profondeur d’une confiance, qui dépend des actes, non des paroles.

En Suisse, nos exécutifs, qui ont développé une présence hypertrophiée pendant la crise, vont devoir sans tarder retrouver leurs dimensions d’avant. Les parlements vont enfin devoir se remettre au boulot. Et les citoyens devront veiller avec férocité à une restitution intégrale de leurs libertés fondamentales. Il ne s’agit pas d’un luxe, pour intellectuels. Mais d’un besoin essentiel pour la qualité de notre vie commune.