C’est nous les patrons: vive le peuple!

Dans notre démocratie, le pouvoir vient d’en bas! Il surgit de la terre, non du ciel. Il est celui de l’ensemble des citoyennes et citoyens qui forment le suffrage universel. Les élus ne viennent qu’après.

  • Nous, le peuple, ne renonçons jamais à exercer la démocratie! FRANCIS HALLER

    Nous, le peuple, ne renonçons jamais à exercer la démocratie! FRANCIS HALLER

«Nous sommes ici par la volonté du peuple, et n’en sortirons que par la force des baïonnettes!» La phrase de Mirabeau, lors du serment du Jeu de paume (20 juin 1789), résonne en moi, depuis l’enfance, comme l’une des plus belles jamais prononcées dans l’espace politique.

La Suisse moderne

Elle sonne au fond, plus encore que la prise de la Bastille (14 juillet 1789), le vrai lancement de la Révolution française, que j’ai toujours considérée comme l’enchaînement d’événements le plus important de l’histoire. Elle sonne la charge, parce qu’elle affirme la primauté du peuple, par la voix de ses représentants, sur toute chose. L’exact inverse, donc, de la monarchie absolue, où le souverain est quasiment d’essence divine. Le contraire, surtout (parce que le bouleversement est plus structurel), du système de castes, avec la noblesse et ses privilèges, le clergé qui les partage, le tiers état qui tente de survivre.

Je suis un Suisse passionné depuis toujours par la Révolution française. Mais aussi par ses suites chez nous, en Suisse romande: la République helvétique (1798), l’essor des mouvements républicains sous la Restauration, qui sont les ancêtres des radicaux, et surtout le bouleversant «Printemps des peuples», en cette année 1848, la plus importante de toutes, qui marque le début de la Suisse fédérale, la Suisse moderne.

J’ose dire que les événements du XIIIe siècle, autour de 1291, avec toute la part du mythe qui le dispute à l’histoire vérifiée, me touchent moins. Mais enfin, je suis Genevois d’origine valaisanne, ou Valaisan de Genève si on préfère: dans les deux cas, mes ancêtres (de Salvan ou d’Orsières) ne sont pas Suisses avant 1815! Le XIIIe siècle, dans cette mémoire-là, intellectuelle, familiale, spirituelle, affective, c’est vraiment très loin. Si j’étais originaire de Stans, Sarnen, Glaris, Appenzell ou Herisau, je verrais assurément les choses autrement. L’histoire suisse, c’est le choc dialectique de ces deux champs de références: le XIIIe siècle, le XIXe.

Le fleuron de nos droits: l’initiative

En Suisse, nous avons encore mieux que la démocratie représentative, celle de Mirabeau: nous avons la démocratie directe! Et là, il faut rendre hommage, j’en conviens, à des traditions plus ancestrales que le Siècle des Lumières, celles des Landsgemeiden par exemple, même si nos droits populaires modernes datent de la fin du XIXe siècle. J’aime la démocratie directe, passionnément, parce que, comme dans la phrase sublime de Mirabeau, elle rend hommage à ce qui vient d’en bas. Non plus seulement le choix des personnes, mais celui des thèmes! Hommage absolu au fleuron de nos droits: celui d’initiative, qui permet à une poignée de citoyennes et citoyens d’interpeller, un beau dimanche, la totalité du corps électoral suisse!

Telles sont nos valeurs. Tel est notre trésor commun. Dans le beau temps comme dans la tourmente, dans la santé comme dans la crise sanitaire, ne renonçons jamais à exercer la démocratie. C’est nous les patrons: vive le peuple!