Conseil des Etats: un boulevard pour la gauche

Dans une élection comme celle du Conseil des Etats, il faut une stratégie d’ensemble, et une discipline de vote. A gauche, on a ces qualités stratégiques. A droite, non. Dès lors, sauf miracle, l’affaire est pliée.

  • L’entreé du Palais fédéral à Berne. 123RF/BJORN BIRKHAHN

Les élections fédérales ne sont pas terminées. Pour le Conseil national, les dés sont jetés: Genève a désigné ses 12 députés, pour quatre ans, dans cette chambre. Reste, le dimanche 10 novembre, le second tour de l’élection au Conseil des Etats. Là, chaque canton, quel que soit son nombre d’habitants, envoie deux personnes. Le système électoral exige des figures rassembleuses, charismatiques, capables d’aller chercher les voix hors de leur seule famille politique. La gauche tient le bastion depuis douze ans, avec une socialiste et un Vert à la Chambre des Cantons, qui ne se représentent pas.

L’art du combat

Elle tient la citadelle depuis douze ans, et pourrait bien la garder! L’avance entre les deux premiers, la Verte Lisa Mazzone et le socialiste Carlo Sommaruga, et les autres candidats, lors du premier tour, dimanche 20 octobre, est impressionnante: 15’000 voix d’écart entre le candidat socialiste, numéro deux, et celui du PLR, Hugues Hiltpold, numéro trois! La candidate PDC Béatrice Hirsch arrive quatrième, l’UDC Céline Amaudruz cinquième.

La gauche a su, comme d’habitude, serrer les rangs, jouer la discipline de vote. Elle le fera aussi au second tour. Nul ne saurait lui en faire grief: la politique est un art du combat et des rapports de forces, rien d’autre. Et puis, en stratégie, il ne faut pas commenter les mouvements de l’adversaire, mais manœuvrer soi-même.

Mille ans de taxes

Dès lors, quid? Eh bien disons qu’à moins d’un sursaut phénoménal d’un électorat de droite qui, paraît-il, «ne s’était pas mobilisé» au premier tour (traditionnelle excuse des vaincus), l’affaire est entendue: longue vie à la gauche genevoise, Verts et socialistes, au Conseil des Etats! Que du bonheur: mille ans de roses et de tournesols! Mille ans de taxes, avec les Verts, mille ans d’impôts avec les socialistes. Ça ne vous irradie pas de jouissance, cette perspective? Mille ans, peut-être davantage, tant que n’existera pas, au sein des droites genevoises, une stratégie dûment mise au point, non pas trois semaines avant l’échéance, mais plusieurs années. Une stratégie dont on ne dévie pas, contre vents et marées.

Perche tendue de l’UDC au PLR

On en est très loin. Le soir du premier tour, lors de nos émissions spéciales de Léman Bleu, à Uni Mail, la présidente de l’UDC, Céline Amaudruz, tendait une perche au président du PLR, Bertrand Reich. Ce dernier, courtois mais sans appel, lui répondait par une fin de non-recevoir. L’affaire était pliée: longue vie à la gauche! Dès lors, on voit mal pourquoi l’électorat genevois de l’UDC, si souvent humilié, ces dernières décennies, par les tonalités patriciennes des libéraux ou les rudesses de grognards des radicaux, sans compter le mépris du parti des bénitiers, se gênerait, une seule seconde, d’inscrire un seul nom sur la liste du sec0nd tour: celui de Céline Amaudruz. Nous aurions ainsi, au soir du 10 novembre, un décompte enfin précis des différentes sensibilités, au sein des droites genevoises. La politique y gagnerait en clarté. Pour l’avenir, on prendrait date.