Coronavirus: les consignes, oui, l’hystérie, non!

Les règles édictées par Berne doivent évidemment être respectées. Mais le communiqué du 6 mars donne l’impression de mettre à l’index les personnes âgées. Ce ton rude et glacial ne passe pas.

  • Les précautions de santé ne doivent pas encourager l’isolement des personnes âgées. PXHERE

    Les précautions de santé ne doivent pas encourager l’isolement des personnes âgées. PXHERE

Dans l’affaire du coronavirus, nous sommes face à une crise, bien réelle. Il s’agit d’en prendre la mesure. Cela signifie qu’on doit prendre au sérieux les consignes d’hygiène. Mais cela signifie aussi que nul d’entre nous ne doit paniquer, ce serait catastrophique. Et puis surtout, les précautions de santé, le respect des normes sur les rassemblements, tout cela ne doit en aucun cas se faire au détriment d’une catégorie quelconque de la population, ce serait le début de la fin.

Cohésion sociale

Je pense tout particulièrement aux personnes âgées, déjà bien assez confinées dans leurs solitudes, et qui doivent impérativement demeurer dans notre corps social. Rester en contact avec les autres classes d’âge. Etre consultées pour leur expérience. Toute autre solution, sous prétexte d’hygiène épidémiologique, serait de nature à provoquer un mal bien plus terrible que le virus: une rupture de notre cohésion sociale, un déshonneur dans la chaîne du lien entre les générations. En clair, les consignes oui, l’hystérie non! La prudence oui, la mise en ghetto d’une classe d’âge, non!

Car enfin, que voulons-nous sauver? La vie, sur la terre. La santé, contre la maladie. Tout cela, oui, bien sûr. Mais désolé, pas aux prix de la cohésion sociale. De même que le malade a droit à tous nos égards, toutes nos attentions, voire notre amour s’il nous est proche, les aînés doivent à tout prix garder ce qui leur importe le plus: le contact avec les plus jeunes.

A cet égard, les recommandations édictées par l’Office fédéral de la santé publique, le 6 mars dernier, nous inquiètent vivement. Sous prétexte d’hygiène, et de préserver les plus vulnérables, on invite une catégorie entière de la population (les plus de 65 ans, ça fait du monde!) à raser littéralement les murs de nos villes. Eviter les transports publics pendant les heures de pointe, faire ses achats en dehors des heures d’affluence, voire se faire livrer à domicile, éviter les manifestations publiques (théâtre, concerts, rencontres sportives, etc.), éviter les réunions professionnelles et privées «qui ne seraient pas indispensables», éviter «tout rendez-vous professionnel et privé inutile», réduire au minimum les visites dans les EMS et les hôpitaux, éviter tout contact avec des personnes malades.

Ostracisme

Désolé de le dire comme cela, mais le ton de ce communiqué du 6 mars ne passe pas. Voilà, d’un coup, sans que soit proposé le moindre mécanisme de compensation sociale, une partie de l’humanité jetée dans l’ostracisme. Qu’elle fasse preuve de prudence, et respecte les règles, oui. Mais cette manière abrupte, sèche, de lui flanquer une consigne d’isolement digne des pages les plus lugubres de La Peste, de Camus, cela ne va pas.

On espère que les organisations de défense des personnes âgées auront le courage d’exiger de nos autorités d’autres tonalités, en ces temps de crise, dans la manière de désigner les aînés, comme si déjà, ils étaient de trop. Il fallait que quelqu’un le dise. C’est chose faite.