Genève, contrôle ta croissance!

On n’en peut plus de voter sur des projets ponctuels de nouveaux logements! Ce qui s’impose, c’est une réflexion en profondeur sur l’idée même de croissance.

  • Immeubles en construction près de la gare de Lancy-Pont-Rouge. La question d’un frein à la croissance des constructions se posera un jour ou l’autre. FRANCIS HALLER

    Immeubles en construction près de la gare de Lancy-Pont-Rouge. La question d’un frein à la croissance des constructions se posera un jour ou l’autre. FRANCIS HALLER

«Déclassements», «modifications de zones»: il n’y a bientôt plus un seul dimanche de votations, à Genève, dont le menu ne contienne un de ces mots barbares. Commençons par les traduire: il s’agit de projets de constructions, principalement pour des logements. Le Grand Conseil en a voté le principe. Il y a eu référendum. Donc, nous votons. En soi, c’est très bien: plus le suffrage universel s’exprime, mieux notre communauté humaine se porte. Il vaut mieux, à Genève, décider à plusieurs dizaines de milliers de citoyennes et citoyens, qu’à seulement cent (le parlement).

Reste, bien sûr, à voter en connaissance de cause. Producteur responsable, depuis quatorze ans, de l’émission Genève à chaud, sur Léman Bleu, je multiplie les débats sur ces sujets de proximité, mais je sais à quel point ils sont souvent techniques, le langage des juristes et des urbanistes n’étant pas toujours le plus accessible.

Territoire pas extensible

La question essentielle n’est pas de savoir s’il faut construire tel ou tel immeuble, dans tel ou tel quartier. Mais, beaucoup plus fondamentalement, quel rapport notre communauté citoyenne entend entretenir avec la croissance. Le conseiller d’Etat chargé du Département du territoire Antonio Hodgers en a pris conscience. Il demande une réflexion en profondeur sur le sujet, avant de continuer de foncer dans le mur. Eh bien, sur ce point, il a raison. Car Genève n’est pas extensible à souhait.

Né en 1958, je suis un enfant de la croissance. J’ai d’abord vécu en Ville, au bord du lac, puis seize ans à Lancy, où nous fûmes heureux, mais où nous vîmes éclore les immeubles, comme des champignons. Il y avait le baby-boom, il y avait une forte immigration (par nous-mêmes demandée), il fallait bien construire. Parfois, avec intelligence et qualité. Parfois, hélas, avec moins de bonheur. Mais enfin, c’était l’époque, la croissance était dans l’air, et l’Expo nationale de 1964 (que j’ai eu deux fois l’honneur de visiter en famille) incarnait cette Suisse de la production, de la multiplication.

Vision prospective

Le problème, c’est qu’à part en mathématiques, on ne peut croître à l’infini. Genève a des barrières naturelles, qui s’appellent le Salève, le Jura, les Voirons. Elle a une zone agricole, mais aussi une zone forestière, que nous devons absolument conserver, elles sont notre respiration, notre poumon. Dès lors, un jour ou l’autre, la question d’un frein à la croissance, notamment dans les constructions, se posera. Mieux vaut, assurément, l’anticiper, avec une vision prospective qui aille plus loin que l’actuel Plan directeur cantonal.

Dans nos réflexions, nous devrons être sans tabou, y compris quant aux flux migratoires, et à leur potentielle régulation. Pour cela, il faut en effet souffler un peu, tout mettre sur la table, écouter les communes, dégager un consensus. Bref, faire de l’urbanisme avec une autre vision que trois ou quatre référendums annuels sur des projets ponctuels de constructions. Il faut une vision d’ensemble. Cela mérite de s’arrêter. De discuter. Et de prendre le temps. La qualité de notre avenir en dépend.